Alors que les rôlistes vivent une grande année (Drakensang, Risen, Divinity II, Dragon Age), leurs cousins fans de hack'n slash sont dans une période de vaches maigres. A part l'extension de Sacred 2, ils n'ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent en 2009. Quant à Diablo III, il n'est pas près de sortir. Les voilà donc repartis une énième fois à l'assaut du second épisode, référence du genre depuis une décennie. Mais voilà que les créateurs de Diablo, justement, ont décidé de sortir les amateurs de hack'n slash de leur torpeur, avec un petit jeu à 15 euros qui a tout d'un grand. Son nom ? Torchlight.
Tout d'abord, un peu d'histoire. Si Bill Roper est souvent cité comme étant le papa de Diablo, c'est qu'il était à la tête de Blizzard North à l'époque. Si son rôle dans la création du jeu est indéniable, il ne faut pas oublier pour autant les vrais designers qui œuvraient dans l'ombre, notamment les frères Erich et Max Schaefer. Les deux hommes ont d'ailleurs suivi Bill Roper lorsqu'il a quitté Blizzard pour fonder Flagship Studios et développer Hellgate : London. La suite, on la connaît : Hellgate fait un flop et Flagship doit fermer ses portes, stoppant du même coup son second projet, le MMORPG Mythos. Une bataille juridique complexe s'engage alors autour des restes encore fumants du studio, tandis qu'une partie des ex-employés se regroupe dans une nouvelle entité baptisée Runic Games, sans Bill Roper, parti travailler sur Champions Online pour le compte de Cryptic. Le récit de cette histoire mouvementée est nécessaire pour bien comprendre les liens qui unissent Torchlight, premier projet de Runic Games, à Diablo : ce sont les mêmes créateurs. Du coup, il est logique de trouver de nombreuses similitudes entre les deux titres, et la comparaison est inévitable. Voilà pourquoi nous allons, dans un premier temps, évoquer tous les points communs entre Torchlight et Diablo, avant de voir en détail quelles sont les spécificités qui permettent au premier de se distinguer de son illustre ancêtre.
Avant même de sauter aux yeux, la parenté avec Diablo saute aux oreilles : en arrivant à Torchlight, le village de base qui donne son nom au jeu, le thème musical fait immanquablement penser à celui de Tristram. Normal, puisque c'est le génial Matt Uelmen, autre transfuge de Blizzard North, qui est à l'origine des deux bandes-son. Voilà qui promet d'emblée un régal auditif, la suite nous donnera d'ailleurs raison. Le temps de prendre quelques quêtes auprès des rares PNJ du village et nous pouvons commencer notre voyage dans les entrailles de la terre, en commençant par les sombres galeries d'une mine abandonnée. La progression se fait selon un schéma similaire au premier Diablo : vers le bas, toujours plus bas, avec des niveaux regroupés par lots de quatre partageant le même décor. Sauf que Diablo ne proposait que quatre décors, soit seize niveaux (plus l'enfer), tandis que Torchlight propose pas moins de sept environnements différents, soit un total d'une trentaine de niveaux. Tous les environnements ne se valent pas, la mine est assez fade par exemple, tandis que d'autres sont superbes, comme les ruines envahies par une végétation luxuriante ou cet enchevêtrement de tours plongées dans la lave. Les graphismes utilisent un style cartoon coloré voisin de World of Warcraft. Un choix qui se comprend pour son économie de polygones et son bon vieillissement, mais qui ne fera pas l'unanimité.
Mais avant d'avoir l'occasion d'admirer ou de critiquer les graphismes, il vous faudra d'abord sélectionner une des trois classes disponibles. Le Destroyer est le spécialiste de combat au corps-à-corps, au contraire de la Vanquisher, qui préfère se battre à distance à l'arc ou au pistolet. Quant à l'Alchemist, c'est le magicien du trio. Déjà vu, sans aucun doute, mais chaque classe est ensuite personnalisable grâce à trois arbres de compétences, dans lesquels vous êtes libre de piocher les pouvoirs qui vous conviennent (au rythme d'un point par niveau). Cela permet de se spécialiser dans divers sous-domaines. Ainsi, le Destroyer pourra dépenser ses points dans l'arbre Berserker pour être encore plus offensif, dans l'arbre Spectral pour se focaliser sur la défense, ou dans l'arbre Titan pour faire des dégâts de zone. De la même façon, une Vanquisher pourra opter pour la branche Arbiter afin de poser des pièges, Rogue pour devenir experte en poisons et coups dans le dos, ou Marksman pour être une véritable tireuse d'élite. Enfin, les trois voies de l'Alchemist sont Arcane (dégâts directs), Lore (invocations) et Battle, une spécialité assez équilibrée entre attaque et défense. Ajoutez à cela les quatre attributs traditionnels du genre (force, dextérité, magie, défense), avec cinq points à répartir par niveau ; une poignée de résistances à divers types de dégâts (feu, glace...) ; et vous obtenez un système de progression classique mais efficace.
Avoir toutes ces compétences, c'est bien joli, mais comme le dit le proverbe, c'est à ses outils qu'on reconnaît le bon artisan. Autrement dit, pour bien combattre, il faut aussi être bien équipé, en récupérant les items laissés par les monstres occis, très variés d'ailleurs soit dit en passant (morts-vivants, démons, gobelins, araignées...). Dans ce compartiment du jeu, Torchlight est sacrément bien fourni, même s'il faut avouer qu'une fois de plus, la comparaison avec Diablo est inévitable. Les armes, armures, casques, bottes, anneaux et autres sont répartis en cinq catégories identifiables par leur couleur. En blanc les objets communs, sans propriété particulière ; en vert les objets enchantés ; en bleu les objets rares ; en doré les objets uniques ; enfin en mauve les objets qui appartiennent à un set. Cumuler plusieurs items d'un même set apporte évidemment de précieux bonus. Certains de ces objets possèdent en outre un ou plusieurs emplacements pour sertir des gemmes, ici appelées "embers". Un système directement issu de Diablo II, cette fois. On retrouve d'ailleurs la possibilité de transmuter plusieurs gemmes d'un même type pour en obtenir une plus puissante grâce aux services d'un PNJ. Dans le même ordre d'idée, deux autres villageois permettent de récupérer une gemme sertie au détriment de l'objet et inversement. En l'absence de véritable scénario, c'est bien la promesse d'un précieux loot qui pousse le joueur à avancer.
Jusqu'ici, cette description fait quand même furieusement penser au hack'n slash de Blizzard. On pourrait même s'évertuer à trouver d'autres points communs dans des compartiments du jeu plus secondaires : il y a des fontaines de vie et de mana, des parchemins d'identification et de portail de ville, des tonneaux explosifs, des leviers qui ouvrent des passages secrets bourrés de coffres... N'en jetez plus ! Pourtant, en dépit de ces nombreuses ressemblances, Torchlight n'est pas un simple clone de Diablo. Parmi les innovations de Runic Games, la plus notable est sans doute la présence d'un pet à vos côtés (l'animal de compagnie, pas le gaz). En début de partie, vous devrez opter entre un compagnon canin ou félin (ce choix n'influant que sur son apparence). Il combattra ensuite avec vous selon l'attitude que vous aurez paramétrée (offensif, défensif, passif). Vous pourrez l'équiper d'un collier, de deux anneaux et de deux sorts. Il faut avouer que cette présence est bien pratique. Le pet ne fait pas de gros dégâts, mais il détourne l'attention d'une partie des monstres. Sa principale utilité est encore de servir de mule : grâce à son inventaire, il soulage votre héros d'une partie de sa charge, et peut même être envoyé en ville à votre place pour vendre des objets ! Dommage qu'on ne puisse pas aussi lui donner une liste de courses à rapporter... Enfin, signalons qu'il peut se transformer en diverses créatures grâce aux poissons que vous lui donnerez, Torchlight incluant un mini-jeu de pêche.
Une autre différence avec Diablo tient aux niveaux de difficulté. Les quatre options (facile, normal, difficile et très difficile, plus une case "hardcore" à cocher pour une mort permanente) sont accessibles dès le départ. Un système qui a ses partisans et ses détracteurs, mais qui a le mérite de mettre le jeu à la portée de tous. A ce propos, si vous êtes un vétéran du hack'n slash, un conseil : commencez directement en difficile, le mode normal n'est qu'une simple promenade de santé. Pour tout dire, dans ce mode, mon personnage n'est mort qu'une seule fois pendant toute l'aventure, et c'était surtout à cause d'un moment d'inattention. Une mort qui donne d'ailleurs le choix entre trois options : réapparaître sur place au prix d'une certaine quantité d'XP, au début du niveau contre un peu d'or, ou en ville sans pénalité d'aucune sorte. Parmi les autres idées de Torchlight, citons en vrac : un niveau de renommée qui monte avec les quêtes et les boss tués et offre des points de compétence supplémentaires ; un système de mémorisation des sorts limité à quatre emplacements ; un ramassage de l'or automatique (très pratique) ; des monstres qui apparaissent à des endroits spécifiques du niveau (trappes, nids...)... Sans le distinguer totalement de son illustre ancêtre, ces quelques trouvailles suffisent à conférer à Torchlight sa propre personnalité.
Bien sûr, ces qualités ne doivent pas occulter quelques manques. Si l'indigence du scénario, déjà évoquée, est pardonnable dans le genre, l'absence de fonctionnalités multijoueurs l'est moins. Pour beaucoup d'amateurs de hack'n slash, le plaisir passe avant tout par le jeu à plusieurs. Las, il n'en est pas question ici. Les développeurs justifient ce choix par la volonté de sortir le titre rapidement pour engranger quelques deniers et financer le développement d'un projet beaucoup plus ambitieux : un MMO Torchlight. Une promesse alléchante, que nous ne pouvons que vous conseiller d'aider à concrétiser en achetant ce premier jet. Il ne coûte que 15 euros, et il les vaut bien. Pour compenser l'absence de multi, Runic Games a également annoncé un éditeur, qui devrait venir rallonger une durée de vie déjà très correcte. Bref, on sent le studio impliqué à fond derrière son bébé, bien décidé à lui offrir le support qu'il mérite. Pour cette raison comme pour toutes celles citées plus haut, nous ne pouvons que soutenir Torchlight.
- Graphismes15/20
Le style cartoon adopté ne sera pas forcément du goût de tout le monde. Certains joueurs auraient probablement préféré un style plus sombre, mais il faut admettre que le design est globalement réussi. Certains environnements sont franchement superbes, les monstres sont bien modélisés, les effets magiques sont réussis... Et le tout tourne sans broncher sur une petite machine. Finalement, le seul reproche est un certain manque de lisibilité quand l'action se fait trop frénétique, l'écran devient alors confus.
- Jouabilité18/20
Torchlight s'appuie sur les bases érigées par Diablo I & II et on ne va pas lui en vouloir, comme il s'agit de la même équipe. Malgré cette parenté qui crève les yeux à chaque instant, le jeu propose quelques idées neuves, comme la présence d'un compagnon à quatre pattes, les parchemins ouvrant des donjons secondaires, le ramassage automatique de l'or, etc. La jouabilité est impeccablement réglée et offre quelques furieux moments d'action, avec des hordes d'ennemis à anéantir sous un déluge de pouvoirs. Jouissif !
- Durée de vie15/20
En normal, l'aventure se boucle en une douzaine d'heures, ce qui est déjà pas mal pour un jeu vendu 15 €. La rejouabilité est au rendez-vous puisqu'il y a plusieurs classes et que les donjons sont générés aléatoirement. Enfin, signalons que les développeurs vont sortir un éditeur dans les prochains jours, permettant ainsi à la communauté de réaliser ses propres créations, comme ce fut le cas pour Titan Quest en son temps. Bref, il y a de quoi s'amuser, même si ça ne fera pas totalement oublier l'absence de multi.
- Bande son16/20
Dès que les premières notes de guitare se font entendre, le thème Tristram de Diablo remonte inévitablement à la surface. C'est normal, vu que c'est le même compositeur, Matt Uelmen, qui est aux commandes. Le bougre n'a rien perdu de son talent et nous offre encore quelques chouettes musiques, peut-être pas aussi marquantes que celles de Diablo, mais de bonne facture quand même. Le doublage anglais est correct, et de toutes manières les dialogues ne sont pas vraiment prédominants...
- Scénario/
Un scénario ? Quel scénario ?
Torchlight est un excellent palliatif pour patienter jusqu'à la sortie de Diablo III. Riche, nerveux, prenant, le titre de Runic Games a tout d'un très bon hack'n slash. Enfin presque tout : l'absence de multi le pénalise un peu. Mais ne boudons pas notre plaisir : avec son action survoltée et ses tonnes d'objets magiques, Torchlight fait honneur à son glorieux héritage. Bien sûr, on pourra toujours lui reprocher son grand classicisme, mais on ne demande pas à chaque FPS de réinventer un concept qui a fait ses preuves. En bref, les fans de hack'n slash n'ont aucune raison de passer outre, d'autant que le jeu est vendu une quinzaine d'euros seulement. C'est presque trop peu.