Bien naïfs ceux qui pensaient s'être débarrassés de la menace bactériologique du Virus T en faisant sauter les installations secrètes d'Umbrella à l'issue du fameux "incident du manoir". Le foyer d'infection a grandi et c'est désormais toute la ville de Raccoon City qui court à sa perte, rongée de l'intérieur par un mal que même l'armée la mieux préparée ne saurait endiguer. Jeune recrue du Raccoon City Police Department, le service de police local, Leon S. Kennedy ne tarde pas à faire la connaissance de Claire Redfield. Nos deux protagonistes ne vont pas tarder à réaliser que la soif de pouvoir d'Umbrella n'a d'égale que sa démence scientifique.
Après une période de gestation qui a réservé son lot de surprises et de revirements, au point de tuer dans l'œuf le projet initial pourtant achevé à plus de 60% (et connu depuis sous l'appellation RE1.5), Resident Evil 2 débarque finalement sur PlayStation en version PAL un beau jour de mai 1998. Ce nouveau cauchemar, immensément attendu à la suite du succès phénoménal rencontré par le premier opus, donne l'étrange impression de changer à la fois très peu et de manière considérable. Comme nous le révélions un peu plus haut, le préambule cinématographique du jeu narre l'arrivée en ville de deux personnalités à la fois distinctes et complémentaires, celles de Léon et de Claire. Comme autrefois, il vous incombe de sélectionner celui avec lequel vous souhaitez vivre l'aventure, sachant que l'un comme l'autre devront de toute façon être joués afin de découvrir l'intrigue dans sa globalité. Toujours est-il qu'après une confrontation avec une horde d'infectés qu'ils parviennent à semer de justesse, nos deux héros finissent par échouer dans une ruelle dévastée, perdus et séparés. Loin du luxueux vestibule qui avait si adéquatement fait office d'entrée en matière pour les protagonistes de RE1, c'est donc cette fois dans les flammes et le chaos que les malheureux arrivants devront apprendre à survivre, et vite. Premier réflexe : rallier le commissariat, lieu de travail d'un Léon peut-être un peu trop confiant en ses collègues policiers. Parvenu à l'endroit en question, le couple se rend bien vite compte en effet que munitions et barricades n'ont pas suffi à le préserver de la catastrophe.
Le commissariat se présente, si l'on peut dire, comme un substitut au manoir du premier volet en ce sens qu'il constitue le "gros morceau" de l'aventure, celui qui vous demandera le plus de temps et d'efforts. Cela dit, sous-sols, égouts, centre de recherche souterrain et même quelques zones en extérieur sont également au programme et offrent une certaine variété à la progression. Il faut savoir que le contexte urbain proposé par le titre n'est pas parvenu à contenter tous les fans du premier épisode, qui bénéficiait de son côté d'un cadre isolé et mystérieux renforçant le sentiment d'oppression. Précisons également que ce second RE entame une évolution vers une action plus intense et débridée, qui se poursuivra très progressivement au fil des épisodes. Cela reste pour le moment assez léger et nous sommes évidemment bien loin d'un Resident Evil 4, mais l'élan est bel et bien lancé dans cette direction. On constate d'ailleurs dès les premières minutes de jeu les effets d'une telle orientation : les morts-vivants forment cette fois des groupes pouvant aller jusqu'à cinq ou six individus, susceptibles en prime d'encercler le joueur pour lui compliquer la vie. Si certaines personnes (dont Mikami lui-même, créateur du jeu original) n'y ont vu qu'une régression sur le plan du suspense et de l'atmosphère, considérant ce surplus d'action comme un choix traître et préjudiciable, d'autres ont su au contraire apprécier le regain de dynamisme qu'il apporte indéniablement au jeu.
Pour le reste, le gameplay conserve les bases solides posées avec Resident Evil premier du nom, pour un mélange d'action et d'aventure toujours aussi efficace. L'excellente progression offerte par le jeu nous propose donc à nouveau d'alterner entre énigmes variées, quoique classiques et plutôt aisées dans l'ensemble et combats sanguinolents. Ceux-ci, s'ils s'avèrent effectivement plus nombreux qu'auparavant, n'en conservent pas moins la tension propre au genre et sont toujours particulièrement bien amenés, les développeurs ayant jugé bon (et heureusement) d'éviter tout excès irréfléchi de ce côté-là. Par ailleurs, ces derniers n'ont pas non plus oublié de saupoudrer l'aventure de passages stressants au plus haut point. Par exemple, attendez-vous à devenir la proie d'un Tyran d'un genre nouveau, dont la ressemblance avec le Terminator a souvent été relevée et qui annonce en quelque sorte le terrible Nemesis du volet suivant. Ainsi donc, si l'on peut regretter l'accentuation de la partie action vis-à-vis de l'épisode précédent, rien ne nous empêche de la considérer plutôt comme une évolution naturelle servant le rythme du jeu tout en s'avérant cohérente au point de vue narratif. Un rythme, puisqu'on en parle, qui se voit légèrement affecté par les chargements - désormais habituels - survenant à chaque changement de pièce ou de zone, ainsi que par les très nombreux allers-retours imposés par le cheminement. Deux soucis mineurs dont on s'accommodera bien volontiers, cela dit.
Inutile de s'attarder outre mesure sur la maniabilité, qui reste sensiblement la même que dans l'aventure précédente. Avec par conséquent son lot d'inconvénients parmi lesquels une certaine raideur dans les déplacements, tout de même considérablement améliorés pour l'occasion, et l'immobilisation systématique du personnage dès lors qu'il se trouve en position de tir. Même si l'argument peut prêter à sourire, disons que cette jouabilité caractéristique se veut très en accord avec l'expérience proposée par un survival-horror privilégiant les espaces clos et les affrontements à distance, comme c'est le cas pour Resident Evil 2. On aura donc du mal à s'en plaindre, même si l'on aurait accueilli avec plaisir dans cet opus la possibilité d'effectuer un demi-tour rapide, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas. D'autant plus que le bestiaire a de son côté bien progressé, surtout dans le camp des boss. Dans cette dernière catégorie, c'est à William Birkin, l'une des figures centrales de la trame de ce deuxième volet, que vous aurez le plus souvent affaire. Pour ce qui est des rencontres régulières, zombies, cerbères et autres araignées mutantes ne sont plus les seules menaces à craindre, puisque Raccoon City introduira notamment la race des Lickers, monstres décharnés particulièrement repoussants qui succèdent joyeusement aux Hunters du manoir Spencer.
Visuellement, Resident Evil 2 atteint un niveau que l'opus suivant, sorti près de deux ans plus tard, aura bien du mal à dépasser. De fait, l'aboutissement technologique auquel sont parvenues les équipes de Capcom force le respect, et le gain pour les arrière-plans en termes de richesse et de détails en témoigne aisément - de même que la finesse des modèles 3D qui s'y glissent subrepticement. Les différents environnements du jeu, à défaut d'être franchement originaux, s'avèrent plutôt inspirés esthétiquement parlant. Le commissariat par exemple, cossu et pompeux, n'a pas grand-chose d'une banale station de police et rappelle davantage - à grand renfort de statues et d'ornements de toutes sortes - le manoir de la première aventure (peut-être était-ce d'ailleurs l'effet recherché). Le titre recèle de surcroît de petites trouvailles graphiques qui, si elles passeraient totalement inaperçues de nos jours, savaient être appréciées des joueurs de l'époque. C'est le cas de la démarche du personnage, qui varie en fonction de son état de santé. L'idée de rendre les blessures perceptibles directement à l'écran par ce biais astucieux ajoute une touche de réalisme à l'ensemble, mais aussi de dangerosité compte tenu de la vitesse de déplacement de votre avatar lorsqu'il est proche de la mort. Pour en finir avec ce chapitre, rendons hommage aux cinématiques du soft, intervenant de bien belle manière aux moments-clés du scénario non sans le soutien d'une mise en scène impeccable proche d'un rendu cinématographique.
Comme tout bon survival-horror qui se respecte, Resident Evil 2 met un point d'honneur à fabriquer une ambiance en béton armé afin d'assurer au joueur une immersion totale. Sinistre et pesante, celle-ci ne déçoit en aucune manière et ne souffre nullement de l'intensification de l'action mise en place dans le jeu, vous pouvez donc être sûr de ne jamais vous sentir parfaitement à l'aise dans les couloirs du commissariat de Raccoon City. Et comme souvent, la bande-son contribue énormément à conférer au soft une véritable atmosphère (les fonds sonores qui sévissent dans les ruelles de la ville servent par exemple à merveille cet intérêt). En fin de compte, le regret majeur que l'on formulera à l'égard de ce titre de grande classe concerne sa durée de vie, faible en dépit des différents scenarii qu'il renferme. Quoi qu'il en soit, nous tenons là assurément une très grande aventure à dévorer sans retenue.
- Graphismes17/20
Nettement plus abouti que son prédécesseur, aussi bien en termes d'environnements précalculés que de 3D polygonale, Resident Evil 2 s'impose sans mal à sa sortie comme l'un des softs les plus majestueux de la machine de Sony. Nanti de superbes décors, bénéficiant de personnages beaucoup moins anguleux que ce à quoi le premier opus nous avait habitués, il dispose également d'une animation plus agréable et naturelle que ce dernier. On appréciera aussi la variété qui caractérise les ennemis, les types de zombies s'avérant par exemple plus nombreux que par le passé. D'une grande maîtrise, ce second volet impressionne et réjouit sur le plan graphique.
- Jouabilité16/20
Peu de surprises à attendre du côté de la jouabilité de cet épisode, somme toute très classique : exploration, combats et énigmes s'équilibrent mutuellement, même si les seconds tendent à prendre plus d'importance qu'auparavant. A noter le net assouplissement du maniement des personnages, pour un confort considérablement amélioré. En ce qui concerne l'aventure elle-même, on constate une légère diminution du challenge depuis RE1, où la survie était rendue particulièrement difficile par la pénurie de ressources. Même s'il faut toujours surveiller son stock avec attention, cette suite se révèle un peu plus laxiste à ce niveau. L'ensemble reste bien entendu très efficace.
- Durée de vie13/20
Les quatre scenarii du jeu (deux pour chaque protagoniste) semblent avoir été pensés dans l'optique de pallier la faible longévité du cheminement lui-même, ce qui n'est en soi guère appréciable. D'autant plus que ceux-ci s'avèrent un peu trop semblables pour réellement convaincre, même si les écarts constatés restent assez conséquents (les événements, cinématiques, personnages secondaires et arsenal diffèrent, ainsi que quelques lieux et énigmes). Il est possible de débloquer un mode spécial permettant d'incarner Hunk, soldat surentraîné aperçu dans une scène du jeu, mais au prix d'efforts démesurés. Une durée de vie solide mais quelque peu artificielle, donc.
- Bande son16/20
Particulièrement soignée, la partie sonore fait des miracles et élève l'expérience d'une manière considérable. Les différents thèmes, très réussis, contribuent tous en effet au malaise ambiant et à l'impression de désolation qui domine la ville de Raccoon - et ce de façon relativement discrète et bien sentie, sans jamais s'imposer. Les effets sonores se montrent eux aussi parfaitement adaptés, ce qui a son importance dans ce type de jeu. Côté doublages, si le travail fourni dans ce volet apparaît nettement plus convaincant que dans le précédent, il n'est pas tout à fait sans reproche et il faudra encore patienter un peu afin de profiter d'une interprétation de haute tenue dans un RE.
- Scénario15/20
D'un point de vue purement factuel, le titre prolonge très bien l'histoire du premier épisode en étendant les effets du virus à la ville de Raccoon, même si certains déploreront une nouvelle fois la relative simplicité et le manque d'originalité du pitch. On y découvre l'existence d'une nouvelle substance aux conséquences effroyables et démesurées : le virus G, prolongement d'un mal qui enfle pernicieusement et dont la source, secrète et insaisissable, semble se terrer dans l'ombre en contemplant son œuvre. La documentation, sous forme de rapports et autres journaux intimes, s'avère quant à elle toujours aussi touffue et passionnante.
Capcom nous offre avec Resident Evil 2 une excellente suite à son chef-d'œuvre. Celle-ci, sans crouler sous les innovations, parvient à renouveler efficacement l'expérience en accentuant quelque peu son dynamisme sans pour autant négliger l'ambiance et l'exploration, qui occupent ici une place tout aussi cruciale que par le passé. Aucune révolution au programme donc, mais la recette fonctionne toujours à merveille et le soin apporté aux différents aspects du soft garantit une aventure marquante et fascinante à bien des égards. Dès lors, on déplore grandement d'en voir aussi rapidement le bout, et les multiples parties que le jeu nous invite à mener au travers de ses différents scenarii n'ôtent pas complètement cette amertume bien compréhensible. Mais ne boudons pas notre plaisir et acceptons l'invitation que nous offre ce titre luxueux pour un voyage terrifiant que l'on n'est pas près d'oublier.