Après avoir répandu des hectolitres de sang sur Xbox 360, voilà que Ryû Hayabusa vient en remettre une couche sur PS3. Un décalage de plus d'un an que les développeurs de la Team Ninja ont encore une fois tenté de mettre à profit pour ajouter quelques petites surprises à l'un des beat'em all les plus sanglants et les plus difficiles de la galaxie.
Les pouces meurtris, les traits tendus, les joues baignées de larmes de sang, assis au milieu des débris épars d'un pad vaporisé dans un élan de rage, exaspéré, furieux d'avoir à reprendre pour la vingtième fois le même combat contre un boss récalcitrant, le joueur de Ninja Gaiden ne vous en dira pas moins que ces instants de frustration totale constituent pourtant une source de grande jouissance. Un bien étrange paradoxe aux relents masochistes, qui une fois encore, prend corps à travers le travail de la Team Ninja. Avec Ninja Gaiden Sigma 2, l'art de la baston atteint probablement son apogée. Ici, la traversée de chaque salle se mue en défi et chaque affrontement en une lutte à mort, cruelle, insoutenable tout autant que majestueuse. Car c'est un fait, tout ce que Ninja Gaiden nous fait subir de vicieux, de retors et d'injuste, il l'efface d'un geste en nous offrant l'intense satisfaction de la victoire, du combo parfait et du combat ultime dominé de bout en bout. Pourtant si les affrontements de ce nouvel opus frisent l'excellence, on ne pourra pas en dire autant de ce scénario anémique, sans doute écrit sur un string de lilliputienne un soir de beuverie.
Car une fois encore, notre bon vieux hachoir sur pattes, la terreur des assurances-vie, j'ai nommé Ryû Hayabusa, se retrouve confronté aux membres du clan de l'Araignée Noire, manifestement déterminés à lâcher les pires démons de l'ancien temps sur le monde. Pourquoi ? Parce que c'est fun, et que c'est là le seul moyen de mettre un terme aux couinements infâmes des Star Académiciens. Pour couronner le tout, les méchants seront aidés de démons mineurs qui n'oeuvrent ensemble que pour préparer le retour de leur maître, terminateur de mondes et grand amateur de jambon. Pour les en empêcher, Ryû n'a plus qu'à convaincre l'ennemi à grands coups d'objets contondants dans les parties. Le héros néanmoins, bénéficiera du soutien moral et logistique de Sonia, une midinette de la CIA toute de cuir vêtue et qui, soyons honnêtes, ne sert essentiellement qu'à exhiber ses nombreuses protubérances plus ou moins plastifiées. Bien évidemment initiée au Japon, cette noble quête entraînera notre héros aux pieds de la Statue de la Liberté, dans les canaux de Venise ainsi que dans d'autres endroits plus étranges et incongrus.
Outre des boss jamais vus auparavant, parfois placés juste après un combat titanesque contre un gros méchant, et donc doublement frustrants, cette version Sigma nous offre également trois niveaux totalement inédits. Trois niveaux pas spécialement inspirés qui ont tout de même le mérite de nous faire prendre le contrôle de trois héroïnes aux capacités distinctes. Chacune de ces guerrières ne dispose que d'une seule arme, mais leur manière de combattre est si différente de celle de Ryû que leur intervention vous apparaîtra extrêmement rafraîchissante. Sachez ainsi que Rachel est nettement plus lente que le héros du jeu, mais que ses coups de marteau laissent rarement les ennemis en un seul morceau. Ayane au contraire, est une sorte de DCV (Découpeuse à Grande Vitesse). Extrêmement agile, elle se sert de ses deux épées pour effectuer des opérations à coeur ouvert sur des démons abasourdis. Ne vous fiez pas à son apparente fragilité, Ayane est aussi mortelle que plaisante à jouer. La troisième demoiselle n'est autre que la protectrice des enfants du clan Hayabusa, la douce Momiji. C'est sans doute cette dernière qui se rapproche le plus de Ryû en termes de contrôle, à ceci près qu'elle aime empaler ses victimes sur son naginata, une sorte de lance qui lui procure donc nettement plus d'allonge que les autres personnages. Bref, ces 3 niveaux, classiques dans leur structure et dénués de beauté, s'insérent cependant avec justesse au sein de la campagne et offrent une dose de variété plutôt bienvenue.
Les plus pervers d'entre vous noteront au passage que la technologie de détection des mouvements du Sixaxis permettra de faire se mouvoir les doux roberts des donzelles. Un ajout littéralement indispensable qui justifie à lui seul l'achat de Ninja Gaiden Sigma 2. Plus sérieusement, sachez que l'aventure comporte donc 17 niveaux en tout, tous bien linéaires, mais pourvoyeurs d'une action dévastatrice et fondamentalement addictive à apprécier pendant une quinzaine d'heures. Ryû et ses copines ont donc du pain sur la planche et du gigot à ficeler. Cela dit, nous n'allons pas reprendre ici ce que nous avions déjà décrit dans le test de Ninja Gaiden 2 sur 360, toujours consultable sur le site, et nous nous contenterons avant tout de souligner les différences de gameplay ainsi que les nuances graphiques avec le titre de base. Si vous avez joué au jeu sur Xbox 360, vous constaterez en effet de nombreuses améliorations, même si ce qui nécessitait sans doute le plus d'être retouché, à savoir la caméra, n'a malheureusement pas profité d'autant de soin que nous l'aurions souhaité. Dans un autre registre, on notera que les geysers d'hémoglobine ne sont pas aussi exagérés que sur la console de Microsoft. Pour autant, les affrontements restent extrêmement brutaux, tout en gagnant un peu de lisibilité. A ce titre, vous constaterez que les ennemis de base s'avèrent globalement moins nombreux, mais semblent plus prompts à esquiver et à contrer vos coups.
Comme nous l'évoquions plus haut, les niveaux originaux ont également été modifiés par les petits gars de la Team Ninja. Vous vous retrouverez par exemple à ferrailler contre de nouveaux démons et de nouveaux boss. Après avoir pulvérisé le démon qui s'était attaqué à New York par exemple, vous serez immédiatement confronté à la statue de la liberté elle-même. Merci pour les deux boss coup sur coup les gars ! Déjà que Ninja Gaiden n'est pas franchement un jeu facile, dans ce genre de situation, on se mettrait presque à chialer devant tant de cruauté. Pourtant, les quelques modifications que nous mentionnions précédemment (le nombre moindre d'ennemis notamment), rendent le jeu un poil plus facile que sur Xbox 360. Mais attention, ce n'est pas à dire qu'on en sera pour une promenade de santé. Cette constatation peut également s'appliquer à un tout nouveau mode, spécialement créé pour satisfaire les possesseurs de PS3. Il s'agit des Missions en Equipe, à pratiquer avec le soutien d'un combattant géré par l'IA, ou en vous connectant au PSN pour vous associer à un autre joueur (pas d'écran splitté donc). Le soft propose 24 de ces "missions". Mais pour être précis, il s'agit davantage d'arènes qu'il faudra soigneusement vider de leurs occupants démoniaques.
Particulièrement infernales, ces scènes s'articulent autour de mécaniques spéciales, comme la possibilité de régénérer votre collègue si sa barre de vie se vide intégralement. Vous pourrez également tenter d'activer vos attaques magiques en même temps, pour un résultat littéralement dévastateur. Certains combats finiront même en apothéose, avec l'intervention musclée d'un boss issu de la campagne. Notre seul regret tient au fait que nos parties en ligne souffraient d'une bonne quantité de lag. L'idéal est donc de ne conserver dans votre liste que des amis disposant d'une bonne connexion. Une forme de sélection naturelle devrait vite s'opérer sur le PSN. Ninja Gaiden Sigma 2 apparaît nettement plus équilibré que son modèle mais il n'en conserve pas moins quelques-unes des faiblesses de son grand frère. Si le jeu semble un poil plus fin graphiquement que sur 360, une bonne partie de ses décors reste toujours désespérément vide et insipide. En effet, les environnements, parfois somptueux, sombrent souvent dans le domaine de l'utilitaire sans âme.
Quoi qu'il en soit, même si Ninja Gaiden Sigma 2 ne gomme pas tous les défauts du titre original, il s'érige tout de même en immense morceau de bravoure, puissant, viscéral et impitoyable. Un titre d'action dévastateur à ranger aux côtés des meilleurs représentants du genre et qui se prête admirablement bien aux délires de ces gamers fanatiques, prêts à rejouer encore et encore les mêmes séquences afin d'atteindre la perfection (dans les limites de ce que peut vous permettre une caméra souvent moribonde). Enfin, comme une cerise rouge sang sur un immense gâteau à la crème, le Team Ninja offre le rêve aux meilleurs joueurs : la possibilité de partager leurs exploits guerriers. Le jeu vous permet effectivement d'activer un mode Cinéma qui enregistre les replays de vos parties, que vous pourrez ensuite échanger sur le PSN. Tout cela venant évidemment compléter les traditionnels tableaux de scores et autres leaderboards. Car la reconnaissance, c'est peut-être là la récompense ultime du joueur qui devra consentir à tous les sacrifices pour profiter à fond de ce poème de tripes et de sang.
- Graphismes16/20
Une fois encore, Ninja Gaiden nous écrase par la virtuosité de ses animations. Les coups suintent la rage la plus absolue, les chocs sont durs et sanglants et le résultat à l'écran en devient magnifique. Les décors en revanche, ne jouent pas vraiment dans la même catégorie que ceux de son principal rival, Devil May Cry 4. On profitera cependant de quelques superbes environnements, notamment dans le dernier tiers du jeu. Notez en outre que le titre apparaît un petit peu moins sanglant que sur 360, tout en restant globalement plus fin, et peut-être un peu plus fluide.
- Jouabilité16/20
Jouissive et intuitive, la jouabilité fait corps avec un gameplay prônant le spectacle et la brutalité. Exterminant vos ennemis avec classe, style et désinvolture, vous observerez un véritable ballet, sublimant les combats. Les fans peuvent d'ailleurs être rassurés : la profondeur est bien là, au même titre que la difficulté. Hélas, le rôle du rabat-joie de service incombe encore une fois aux caméras, souvent brouillonnes et préférant de toute évidence l'esthétisme à la clarté. On appréciera cependant à leur juste valeur les trois niveaux additionnels et leur personnage respectif, puisqu'ils ne se contrôlent absolument pas de la même manière que Ryû.
- Durée de vie17/20
Dix-sept chapitres que seuls les plus grands guerriers seront à même de traverser. On note toutefois que le premier mode de difficulté laissera enfin une chance aux gamers besogneux. Comptez tout de même une bonne quinzaine d'heures pour voir la fin de cette ode à la tripaille et à l'action non-stop. Les fans pourront même partir au combat sur le net, à travers plus d'une vingtaine d'arènes à franchir en coop. Enfin, il vous est possible de partager vos faits d'armes sur le net, grâce à un système de replay à activer à volonté.
- Bande son14/20
Bruitages pêchus et musiques timides constituent le fond sonore de cette aventure. L'ensemble est cohérent mais n'a pas toujours la trempe de ce qui apparaît à l'écran.
- Scénario11/20
Ninja Gaiden Sigma II se contente du strict minimum en la matière, mais le principal ne se trouve pas là. On appréciera cependant les cinématiques lors desquelles Ryû crève littéralement l'écran. Cette version se permet même quelques ajouts de grande classe par rapport à l'original.
Gigantesque défouloir, immense pourvoyeur de tripaille, Ninja Gaiden Sigma II ne trahit en rien son illustre modèle et parvient même à affiner le tout grâce à une multitude de petites retouches et améliorations. Avec un contenu revu à la hausse grâce à l'ajout de nouveaux personnages, de niveaux correspondants et d'un mode coopératif réussi, le bébé boucher de la Team Ninja apparaît comme l'un des titres les plus aboutis de la PS3. Un soft sauvage, à consommer sans la moindre modération, si toutefois vous en avez le courage.