Nathan Drake est un héros qui ne fait pas les choses à moitié. Après s'être attaqué à l'El Dorado dans Drake's Fortune, le chasseur de trésors imaginé par Naughty Dog suit les traces de Marco Polo dans une aventure qui doit le mener dans la légendaire vallée de Shambhala. Une quête aussi improbable et mystique que la première mais dont le profil est nettement moins linéaire. Les différents théâtres de cette aventure vont en effet amener des contrastes visuels saisissants, de la verdure de Bornéo au froid glacial de l'Himalaya. C'est d'ailleurs là tout l'intérêt de ce second volet baptisé Among Thieves. Naughty Dog propose un dépaysement constant sans jamais risquer la moindre incohérence dans la chronologie et s'appuie sur l'une des feuilles de route les plus riches que nous ait exposée un jeu d'aventure. Un tableau idyllique qui va permettre de mettre en avant un constat sans appel : Uncharted 2 est à ce jour le plus beau jeu du genre sur PS3 et sans doute même tous supports confondus.

Mais résumer Uncharted 2 à une simple démo technologique serait presque une injure. Concrètement, l'équipe de développement s'est affairée, ces deux dernières années, à corriger un par un les défauts de Drake's Fortune. Mécanismes de jeu, IA, technique, dialogues, scénario, durée de vie... Le travail a été colossal. Mais le plus étonnant est que cette suite n'a rien d'un patch correctif. En plus de balayer d'un trait les rares mauvais souvenirs que l'on pouvait avoir de son aîné, ce titre apporte plus, beaucoup plus, à tous les niveaux. En termes de gameplay tout d'abord, Nathan a vu ses mouvements multipliés de sorte à être en mesure de s'adapter avec une aisance déconcertante à n'importe quelle situation. Ainsi, le héros jouit d'une agilité qui lui permet d'être à la fois performant durant les phases de plates-formes et en plein gunfight. Le seul reproche que l'on pourra faire à la manière de se mouvoir de Drake concerne son animation, parfois bien peu crédible. Non pas que la décomposition de ses mouvements choque, bien au contraire, mais force est de constater que sieur Nathan prend parfois des postures un peu fantaisistes. De plus, certains de ses sauts se font beaucoup trop rapidement, ce qui tranche assez nettement avec l'animation générale du héros, basée sur une physique extrêmement réaliste. En effet, l'un des points forts du jeu est de brider la puissance et l'endurance de Nathan. Inutile par exemple de penser sprinter tel un athlète aguerri. Mieux encore, après certains passages faisant suite à une blessure (scriptée) de Nathan, celui-ci devra patienter avant de recouvrer tous ses moyens.

Sur les phases de plates-formes, le joueur n'utilise que la croix en plus du stick analogique, et le héros s'exécute, ajustant son saut selon la situation. Si certains pourront se sentir trop assistés, d'autres loueront ce gameplay dynamique et dénué de toute frustration. Par exemple, lorsqu'il est agrippé à un mur ou à un rebord, Nathan ne va sauter dans la direction qu'on lui indique uniquement si l'action est possible. Fini les sauts dans le vide comme en souffrent d'autres titres, beaucoup plus exigeants mais surtout, beaucoup moins tolérants à l'approximation. Ces phases sont un bonheur dans la mesure où le joueur ne doit pas constamment se replacer face à la plate-forme qu'il souhaite atteindre. La souplesse du gameplay lui permet en effet de laisser place à l'instinct et évite qu'une série de sauts soit hachée par des repositionnements permanents. Si tout ceci est particulièrement efficace au moment de grimper le long d'un train accidenté sur le bord d'une falaise ou pour déjouer les pièges d'une montagne enneigée, le gameplay devient carrément génial lorsque la plate-forme se mêle aux gunfights. Agrippé à la voiture d'une locomotive, Nathan peut progresser de la sorte le long d'un convoi pour mieux surprendre les gardes postés à l'intérieur ou sur le toit des wagons. Ainsi, on découvre une manière furtive de se débarrasser d'eux en attendant qu'ils s'approchent d'un rebord pour les attraper par la cravate et profiter de leur poids pour les envoyer valdinguer.

Les gunfights profitent du même soin et s'avèrent moins rigides que dans le précédent opus. Cette fois, c'est la touche rond qui sert de base à chaque mouvement puisque c'est celle qui permet à Nathan de se mettre à couvert et de progresser d'une couverture à l'autre. Ajoutée aux roulades, cette action rend chaque gunfight beaucoup moins laborieux et répétitif que par le passé. Il incombe alors au joueur de ne l'utiliser que pour se couvrir ou d'en faire le mécanisme parfait pour une approche plus furtive. Car là aussi, Uncharted 2 se veut varié et bien pensé, la configuration d'un lieu permet souvent d'éliminer plusieurs ennemis sans se faire repérer, histoire d'éviter un carnage et de mettre toutes les chances de son côté. De TPS classique, le titre passe alors à un jeu d'infiltration subtil dans lequel Nathan joue avec les déplacements adverses en s'armant de patience. En se cachant accroupi derrière une table ou un muret, le chasseur de trésor peut à tout moment éliminer sans bruit un ennemi qui frôle l'obstacle. Un détail qui change considérablement l'approche des gunfights et dont certains jeux exclusivement basés sur l'infiltration ne jouissent même pas. Enfin, on apprécie de pouvoir réutiliser le bouclier antiémeute d'un ennemi préalablement abattu, idéal pour progresser avec sécurité. Seule contrainte, il faut se contenter d'une arme de poing, l'autre main étant utilisés pour tenir le bouclier. Logique !

S'il faut avouer que l'IA se laisse parfois facilement berner durant les phases d'infiltration, elle sait davantage se défendre aux moments de fusillades pures et dures. Régulièrement composées de snipers et équipées de lance-roquettes, les armées ennemies font tout pour ralentir votre progression. En comparaison avec le précédent épisode, on sent l'IA ennemie plus fine mais pas forcément plus précise. Quoi qu'il en soit, elle ne fonce pas droit devant elle après vous avoir aperçu et sait utiliser les éléments du décor pour se mettre à couvert autant que faire se peut. La moindre des choses me direz-vous ! Quant à l'IA alliée, en dehors de sa farouche tendance à progresser sans trop vous attendre puis à pester contre votre relative lenteur, elle est difficilement critiquable. Plus que solide, elle n'est en revanche pas toujours très efficace. Tout juste n'utilise-t-on pas Elena ou Chloé comme diversion pour pouvoir contourner l'ennemi ! Leur aide est assez superflue mais on n'attendait pas d'elles qu'elles fassent le travail à la place de Nathan. D'autant que l'arsenal dont il dispose, et peut récupérer sur le corps de ses adversaires, suffit amplement à la tâche ! Armes de poing, mitraillettes, fusil à pompe, fusil à lunette, arbalète, grenades, lance-roquettes, bonbonnes de propane à faire exploser, tourelles de défense... Tout y est pour des affrontements dynamiques et explosifs. Précisons au passage que la gestion des munitions est tout simplement parfaite, obligeant le joueur à ne pas gaspiller, sans pour autant le sevrer de moyens de défense.

Mais là où Uncharted 2 surclasse la concurrence et met largement en avant le talent des équipes de Naughty Dog, c'est en termes de mise en scène. Digne d'un film hollywoodien, la réalisation scotche le joueur sans pour autant le rendre passif. En effet, les transitions entre deux phases de gameplay se fondent parfaitement dans l'action et il est par moments bien délicat de savoir si le joueur visionne une cinématique ou s'il contrôle réellement les mouvements de Nathan. Plus globalement, le jeu se répartit idéalement entre phases d'action, d'infiltration et de plates-formes et se permet même de rajouter un chapitre entier de temps-mort dans lequel on découvre l'un des plus jolis niveaux de l'histoire des jeux d'aventure. Varié et magistralement mis en scène, Uncharted 2 se rapproche du film interactif et nous fait le plaisir de ne pas abuser des QTE dont les beat'em all sont par exemple friands. L'exploit a été de les inclure directement dans le gameplay, en suggérant fortement au joueur, une fois de plus par le génie de la mise en scène, le déplacement qu'il doit effectuer ou l'ennemi qu'il lui faut abattre. Ainsi, l'un des derniers chapitres du jeu propose une phase épique où Drake doit bondir de 4x4 en camion pour progresser dans un convoi, tout en se défaisant de ses ennemis lointains ou au corps-à-corps. Cerise sur le gâteau, une fois passé le premier temps de chargement qui permet de lancer la partie (comptez deux bonnes minutes), le jeu ne compte plus aucun écran de loading. La transition entre deux chapitres se fait alors pendant une cinématique sans que le joueur ne s'aperçoive de rien. De quoi apprécier d'un trait les 10 heures de jeu qui mènent le grand brun et ses amis vers les secrets de Shambhala...