Entre deux compilations d'anciennes gloires du jeu vidéo, Capcom se prend parfois à essayer de réactualiser ses franchises. De fait, à l'instar de Konami parti en Occident afin de trouver un développeur pour ses prochains Silent Hill, le papa de Resident Evil s'est tourné vers les Suédois de GRIN pour la réactualisation de son Bionic Commando. Pari risqué ? Pas vraiment d'autant que les blondinets s'étaient déjà chargés du fort sympathique Bionic Commando Rearmed.
Il y a fort longtemps, alors que le jeu vidéo ne se résumait pas à des discussions stériles à propos de l'appartenance à tel ou tel autre clan, les sociétés japonaises nous abreuvaient de jeux hardcore à même de faire tourner la tête de tout joueur normalement constitué. Ainsi, si Bionic Commando est né en arcade, il ne mit pas longtemps à arriver sur consoles et ordinateurs de l'époque. Le résultat ? De multiples crises d'anévrismes, des défenestrations, des immolations dues entre autres à une difficulté surhumaine. Eh oui, le masochisme vidéoludique était très tendance à l'époque. On pestait, on hurlait mais on en redemandait. Aujourd'hui, si quelques irréductibles, le plus souvent japonais, oeuvrent encore dans ce secteur, disons qu'il est plus courant d'avoir droit à des jeux accessibles histoire de ne pas brider le plaisir et d'énerver le joueur qui vient de débourser 70 euros. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Tout dépend de votre vision des choses mais au final, le plus important, du moins dans le cas présent, est de retrouver un héros issu du passé, toujours aussi bien ("bioniquement") membré, toujours égal à lui-même.
Après s'être fait remarquer dans une version 2D joliment réalisée sur le Online, voici que notre Steve Austin des temps modernes revient fracasser du méchant dans un univers entièrement en 3D. Si la façon d'aborder l'aventure diffère d'un strict point de vue du gameplay, le soft de GRIN reprend le concept de l'original en mixant action et plates-formes. Le résultat, sans être exempt de défauts, parvient à hisser la série à un degré qualitatif suffisamment élevé pour qu'on prenne son pied en dessoudant du bad-guy à la manière d'un Johnny Weissmuller un peu plus féroce que de coutume. Mais avant d'en arriver là, vous devrez passer par un flash-back synonyme de tutorial faisant d'ailleurs intervenir un Nathan Spencer (le héros du jeu) rajeuni directement issu de Bionic Commando Rearmed. Bref, après avoir découvert tout ce qu'il y a à découvrir, vous reprendrez le cours des choses, largué que vous serez dans de vastes niveaux décrépits. Le but sera alors très simple : suivre le point vert sur votre radar pour atteindre votre objectif. Pour ce faire, vous devrez mettre à profit votre bras bionique qui vous servira à vous balancer d'élément du décor en élément du décor à l'instar de ce que proposait déjà le premier opus de la saga en 1988. Bien entendu, tout ceci ne se fera pas sans problème puisque de nombreux ennemis essaieront d'entraver votre route.
En tout premier lieu, disons que pour profiter pleinement du titre, vous devrez passer outre vos premières impressions. En effet, il faut avouer que lorsqu'on se jette à corps perdu dans une partie de Bionic Commando pour la toute première fois, il y a de quoi être déçu. La maniabilité semble relativement lourde, peu précise et l'action est bien trop diluée, seuls quelques gunfights venant rompre la monotonie de deux balancements ponctués par les bruitages mécaniques des roulements à billes de notre bras. Ensuite, de manière progressive, on réussit à dompter la bête, on taquine les nuages en sautant de gratte-ciel en gratte-ciel et très vite, le sentiment d'avoir affaire à un clone de Spider-Man ou de Tarzan prévaut. En somme, malgré des temps de chargements trop présents (10 secondes environ à chaque game over pour charger un point de contrôle, c'est long !), on ressent une certaine forme de liberté même si au final l'aventure est somme toute linéaire. Pourtant, ce n'est pas nécessairement un point négatif d'autant que le jeu a trouvé le juste équilibre entre plates-formes et action. Certes, plusieurs passages pourront vous donner des sueurs froides mais on est très loin de la difficulté de l'épisode original. De plus, ladite difficulté s'exprime ici non pas par le challenge que représente le titre en lui-même mais plutôt par quelques soucis de maniabilité liés pour la plupart au système de visée lors de nos cabrioles.
Ainsi, vous devrez constamment bouger la caméra en plein vol pour trouver un point d'ancrage puis appuyer sur la touche LT afin que Nathan s'agrippe. Epuisant même si la possibilité de s'accrocher un peu partout vous donnera une vraie sensation de félinité aérienne. Avant cela, il faudra aussi trouver le bon timing lors d'un balancement et vous fier à un indicateur afin de maximiser votre amplitude pour optimiser un saut. Pas évident même si après 2, 3 heures de jeu, on est beaucoup plus à l'aise avec le système. Quoi qu'il en soit, on regrettera quand même quelques checkpoints mal placés, nous obligeant parfois à nous retaper de longues séquences, ou une gestion hasardeuse des armes. Sur ce point, vous ne pourrez en porter que deux, trois si on compte des grenades. Pour le reste, vous aurez toujours votre flingue sur vous et pourrez changer de deuxième arme en trouvant des sortes de containers envoyés par vos supérieurs, chacun renfermant un joujou différent (fusil de sniper, fusil à pompe, etc.). Du coup, en fonction de la situation, il faudra faire le bon choix, un lance-roquettes étant par exemple plus approprié qu'un fusil de snipe contre un mecha. A ce sujet, on signalera aussi l'efficacité toute relative des roquettes, celles-ci loupant leur cible dans 90% des cas si cette dernière se trouve trop près de nous. Très déstabilisant.
Au final, on appréciera de pouvoir varier les plaisirs durant les affrontements en utilisant aussi bien une arme que notre bras, celui-ci nous permettant aussi de balancer des voitures sur nos adversaires. D'ailleurs, vous comprendrez rapidement que la technique frontale n'est pas toujours la meilleure solution, surtout face à d'immenses robots dont le point faible est situé dans le dos. Ici, pas de secret, on effectuera quelques esquives pour leur passer derrière histoire de s'accrocher à leur réserve d'énergie avant de leur asséner un violent coup de pied. Finalement, si cette façon de faire se répétera inlassablement jusqu'à la fin de l'aventure, soit une petite quinzaine d'heures, l'obtention de nouvelles techniques et le dynamisme engendré par celles-ci suffiront à vous scotcher à l'écran. Et pour peu que vous ayez accès au online, vous pourrez alors prolonger le plaisir avec sept de vos potes via du classique Deathmatch et Capture the flag. Une cerise sur le gâteau en quelque sorte d'autant que le mode solo, déjà très solide, devrait vous apporter suffisamment de satisfaction pour peu que vous ne vous sentiez pas lésé par des mécaniques de jeu assez redondantes, un gameplay parfois mal huilé synonyme de rouages grippés.
Jeu testé avec un contrôleur Xbox 360.
- Graphismes14/20
Se situant dans la moyenne des productions new-gen, Bionic Commando offre une bonne distance d'affichage trahissant néanmoins pas mal d'aliasing. S'il faudra se faire au look "dreadlockisé" du héros, il est appréciable de trouver des environnements disparates (ville en ruine, grottes, jungle) et parfois très jolis.
- Jouabilité14/20
Dompter votre bras bionique vous demandera un gros temps d'adaptation mais après quelques heures, le plaisir sera au rendez-vous. Tour à tour, moyen de locomotion et arme létale, votre membre sera votre meilleur ami lors de phases d'exploration et d'affrontements un peu mollassons. Dommage en revanche que le système de visée ne soit pas optimal et qu'il soit obligatoire de constamment changer d'arme secondaire en les récoltant dans des containers prévus à cet effet. On notera aussi des loadings très présents et franchement trop longs notamment lors du chargement d'un point de contrôle suite à un game over.
- Durée de vie14/20
Bien plus accessible que ses prédécesseurs, Bionic Commando vous réclamera entre 10 et 15 heures pour boucler l'aventure principale, un peu plus même si vous vous décidez à chercher tous les artefacts pixéllisés disséminés dans les niveaux. Notez aussi qu'une fois le mode solo bouclé, vous pourrez toujours vous rabattre sur le multi pour 8 joueurs via deux modes de jeu somme toute classiques.
- Bande son15/20
Le doublage américain est bien dans le ton mais c'est surtout la variété des thèmes musicaux qui étonne. L'aspect sonore a bénéficié de délicates attentions et le résultat s'en ressent.
- Scénario/
Un héros de guerre trahi par son gouvernement, accusé à tort, mais qui représente pourtant le dernier rempart contre une attaque terroriste... zzzz...
Une bonne surprise que ce Bionic Commando. Tout en étant plus accessible que son illustre aïeul, le jeu vous demandera pourtant pas mal de sang-froid afin de maîtriser à la perfection toutes les facettes du gameplay. Mais une fois ceci fait, vous pourrez alors vous en donner à coeur joie en virevoltant dans les airs à la manière d'un Spider-Man. Guère original, un gameplay ayant quelques ratés, une action un peu molle, Bionic Commando n'est pas exempt de défauts mais au final ce sont bel et bien ses qualités qui prévalent et c'est là le plus important.