Le dernier point'n click de Centauri Production, Evil Days of Luckless John, ne nous a pas laissés un souvenir impérissable, notamment à cause de phases d'action peu inspirées à la maniabilité douteuse. Sans doute conscient du problème, le studio tchèque a préféré se recentrer sur de l'aventure pure et dure pour Memento Mori, sa nouvelle production. Bien lui en a pris, car cette enquête dans le milieu de l'art s'avère convaincante à tous les niveaux, comme nous avons pu le constater sur une version preview.
L'histoire de Memento Mori se déroule de nos jours, en Europe, dans le milieu de l'art et plus précisément celui du trafic d'oeuvres (vols de tableau, copies, etc.). L'héroïne, Larisa Svetlova, dite "Lara" même si elle ne fait pas de grimpette dans des temples en ruine, travaille comme enquêtrice pour la section Stolen Works of Arts d'Interpol. Elle est basée à Lyon, mais est originaire de Russie, où elle était auparavant membre du Département 12, une branche de la police russe chargée de la protection du patrimoine culturel, placée sous la houlette du colonel Ostankovic. Ce dernier fait pression sur l'autre personnage jouable, Max Durand, un ancien faussaire désormais honnête mais forcé de collaborer s'il ne veut pas que son sombre passé remonte à la surface. Selon les séquences de jeu, on alterne donc entre la rouquine Lara et le brun Max, ce qui n'est pas sans rappeler Secret Files : Tunguska d'ailleurs...
Nos deux enquêteurs vont d'abord devoir élucider une mystérieuse infiltration au coeur du prestigieux musée de l'Ermitage de Saint-Petersbourg. Mais l'affaire prend ensuite une tournure plus ésotérique que policière avec l'apparition d'une société secrète, Ikuinen nukkuja, qui emmènera nos deux protagonistes à voyager au Portugal, en Ecosse et en Finlande. Ces diverses destinations ont le mérite de varier les environnements traversés, pour la plupart très jolis. Il faut avouer que Centauri a fait des progrès dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les effets d'ombres, de lumières et de reflets. L'aventure est découpée en dix-sept actes, assez courts pris indépendamment mais qui, mis bout à bout, constituent une trame à la durée de vie correcte. Notez que s'il n'y a pas véritablement d'embranchements dans le scénario, Memento Mori propose néanmoins plusieurs fins alternatives en fonction de certaines actions.
Qui dit action dit gameplay, alors venons-en à ce qui constitue la substantifique moelle de ce titre. Dans ce domaine, c'est du classique : on collecte des objets, on les combine dans l'inventaire, on les utilise pour résoudre des énigmes, on progresse, et ainsi de suite. Comme d'autres titres du genre, Memento Mori met à profit son contexte moderne pour introduire l'usage des nouvelles technologies : téléphone portable, ordinateur... Lara sera même amenée à utiliser un chromatographe, appareil complexe destiné à traquer les copies de tableaux. Après tout, c'est son dada, il faudra donc jouer au jeu des différences pour distinguer le vrai du faux. Les mécanismes de jeu recèlent également une originalité : le système de dialogue. Lorsqu'on discute avec un personnage, il n'y a pas les traditionnelles réponses toutes prêtes à sélectionner en bas de l'écran. A la place, on trouve trois émoticônes : content, fâché et interrogateur. De la posture adoptée dépendra la réaction de l'interlocuteur. Ca change, même si dans les faits ça ne semble pas bouleverser profondément le déroulement de l'enquête.
Ces dialogues nous ont toutefois permis d'apprécier le travail réalisé sur le doublage français. Surprise : il est totalement dépourvu d'accents. Qu'une personne soit russe ou autre, ça ne change rien, elle s'exprime toujours dans un français impeccable. Ce n'est finalement pas plus mal, on évite ainsi l'écueil de la caricature, trop fréquent dans le genre. A part ça, les répliques sont jouées de façon globalement convaincante, même si on n'échappe pas à quelques tons forcés. Quoi qu'il en soit, Memento Mori repose sur des bases solides et nous a laissés une très bonne impression. Il ne faut pas y chercher de grandes innovations, mais les amateurs d'enquête devraient y trouver satisfaction. Le dernier-né de Centauri Production figure donc désormais en bonne place parmi les jeux d'aventure à surveiller cette année, aux côtés de Gray Matter, Secret Files 2 et Runaway 3, rien que ça.