LittleBigPlanet est l'un des jeux qui ont fait le plus parler ces derniers mois. A juste titre ? Oui, sans l'ombre d'un doute même si on se sera fait pas mal de fausses idées sur cet OVNI plus retors que son air débonnaire le laissait croire.
Si la PS3 avait besoin d'un jeu phare, d'un étendard capable d'afficher une vraie personnalité et faire office de mascotte à la console, elle vient de le trouver. Parti de nulle part, LittleBigPlanet est véritablement un concept, un petit phénomène complètement inédit qui va du jeu à l'outil de création le plus complet qu'on puisse imaginer. La première étape de votre rencontre avec LBP sera évidemment le jeu, à travers le mode Story et les niveaux conçus par les développeurs de Media Molecule. Des niveaux qui vous familiariseront avec le design si particulier du jeu et son côté scrapbook qui se base sur une esthétique bricolée autorisant tous les styles. D'un point de vue plus ludique, malgré son énorme richesse, la base du gameplay de LittleBigPlanet est excessivement simple et nous renvoie aux racines du jeu de plates-formes. Tout ce que Sackboy, votre poupée de chiffon préférée, sait faire c'est aller de gauche à droite, sauter et s'accrocher à quelque chose. Grâce à Media Molecule, tout le monde peut se souvenir qu'avec peu, on peut faire beaucoup. Déjà parce que chaque décor a non pas un, ni deux mais trois plans, ce qui fait que le tableau en 2D qui vous fait face contient en vérité trois niveaux de profondeur et donc autant de possibilités de voies à suivre ou de bidules à dénicher. De plus, une action aussi simple que le fait d'agripper une surface a des implications plus variées qu'on le pense. C'est là qu'intervient le génie du level design.
Interrupteurs de toutes sortes, gestion de la physique, explosifs, feu, engrenages, tout ce qui peut agir et réagir est mis à contribution pour créer des mécanismes retors et donner vie à des niveaux de plates-formes parfois jouissifs et beaucoup plus exigeants qu'on aurait pu le penser, eu égard à l'orientation grand public du jeu. Certains stages vous feront cogiter, d'autres mettront vos réflexes à l'épreuve en abusant de vils pièges et de timings particulièrement pointus couplés à des sauts demandant une grande précision pour atterrir sur un point étroit situé quelque part entre le vide et un ennemi hérissé de pieux. Il faut préciser que même la physique est ici mise à mal et pour une fois, on pourra la qualifier de lunaire sans que cela soit péjoratif. Si les effets de la gravité et de l'inertie sont crédibles, ils ont cette souplesse et cette exagération étrange d'où émane précisément ce sentiment d'être sur une planète où la gravité serait légèrement moins forte. La précision a son importance car elle se ressent dans la prise en main. Ainsi, Sackboy a tendance à flotter un peu lorsqu'il saute et surtout quand il touche à nouveau le sol. La chose est à double tranchant. Cohérente avec le reste du game design, cette latence augmente le challenge en vous forçant à faire preuve d'une précision parfois diabolique dans la force et la longueur de vos bonds. Mais le retour de flamme est que même une fois qu'on a pris le pli, il n'est pas rare que l'on se sente pénalisé par ce manque de finesse des commandes. Un point qui peut paraître anodin, mais qui apparaît comme le plus gros défaut du jeu comme on le constate dans certains levels très exigeants en matière de plates-formes. Malheureusement, il se conjugue à un souci de maniabilité qui touche aux fameux trois plans d'action entre lesquels il n'est pas rare d'évoluer sans vraiment l'avoir voulu.
Toujours est-il que, finalement, Media Molecule est revenu au fondement du jeu vidéo, ce que quantité de game designers n'arrêtent pas de répéter sans jamais le faire : réduire le nombre de commandes et miser sur l'environnement et l'interaction naturelle pour créer un gameplay. Du coup, même s'il est assez court, le mode Story est d'une richesse qu'on n'avait pas croisée depuis longtemps. Sans compter que chaque niveau offre une réelle rejouabilité. Chacun renferme plusieurs passages et cachettes secrètes dans lesquelles on trouvera les objets à collecter pour l'éditeur mais également des sections réservées au multijoueur. En ligne ou en local, jusqu'à 4 joueurs peuvent entrer en jeu et déambuler à l'écran et ainsi accéder à certaines zones nécessitant un travail en coopération. C'est de la sorte que l'on fait connaissance avec l'aspect communautaire de LittleBigPlanet. Un aspect qui s'exprime à son plus bas niveau dans la customisation de son Sackboy que l'on peut habiller, coiffer, accessoiriser à sa guise. Avant même d'utiliser les fonctions de chat intégrées, on pourra même communiquer par le corps en agitant les bras, le bassin ou la tête et en utilisant les expression faciales contrôlées par la croix directionnelle.
Bien sûr, ceci n'est même pas le quart de ce que LittleBigPlanet propose dans le domaine de la créativité. Une fois que vous aurez terminé les niveaux inclus dans le jeu, vous pourrez passer à la suite, l'éditeur et le partage de contenu, que l'on parle de niveaux entiers ou même de tableaux de score. Il est donc temps d'aborder l'éditeur de niveaux. Pour rappel, la première chose à faire est de collecter des matières premières en complétant des niveaux, ceux du studio ou ceux des autres joueurs. Matériaux, formes, autocollants, on ne s'amusera pas à énumérer le nombre de bidules que l'on peut ramener dans son atelier pour simplement expliquer de manière succincte la richesse de la chose. Il suffit pour bien comprendre de voir ce que certains malades ont pu créer lors de la bêta du jeu. Des niveaux classiques, des blagues de 30 secondes, un calculateur capable de réaliser des opérations mathématiques (!), le champ des possibles a déjà explosé durant cette première phase et sur les serveurs de test, on pouvait déjà se lancer dans des niveaux basés sur la course ou même jouer à Space Invaders.
Pour une fois, on peut dire que des développeurs ont tenu une promesse, fournir un outil capable de tout faire. Une multitude d'interrupteurs peuvent être configurés et câblés de diverses manières, des moteurs feront tourner des roues ou des plates-formes, des boulons les feront trembler, des haut-parleurs diffuseront sons ou musiques selon votre mixage personnel, certains accessoires serviront à faire apparaître des ennemis ou des objets et on en passe tellement on s'y perd. D'autant que chaque item peut être configuré à travers une multitude de paramètres. Vous pourrez même créer une voiture si le coeur vous en dit. Au final, on ne vous donne pas seulement la possibilité de concevoir l'architecture d'un niveau mais même de créer des scripts qui le rendront dynamique, provoqueront des mouvements, des sons, des événements divers. Cet éditeur, malgré une interface simpliste un peu cheap cache un véritable outil de création. Seul regret, l'impossibilité d'importer sa propre musique, ses sons perso ou ses propres fichiers images.
Seulement voilà, il y a un comme un hic. Toute cette richesse a un prix : du temps et du travail. Là où Spore, comparaison inévitable, se voulait hyper accessible et permettait au joueur lambda de diffuser des créations correctes, LittleBigPlanet est nettement moins simple d'accès. L'énorme quantité d'objets et de réglages refroidira vite les moins téméraires et il faudra non seulement faire preuve de créativité mais aussi de rigueur, de patience et d'acharnement pour dompter cet outil incroyable et l'espace de travail qui nous est offert. Très franchement, on n'a pas envie d'en faire un défaut, simplement d'avertir les joueurs de deux choses importantes. La première, c'est cette difficulté qui vient d'une simple réalité : un outil ne peut pas tout faire à votre place. La seconde, c'est que du coup, il faut s'attendre à ce que les niveaux mis en ligne par la communauté soit de qualité très inégale. Fatalement, comme la preuve en a été faite aussi bien sur la bêta que sur les serveurs de test, on trouvera des niveaux à l'intérêt discutable, inexistant parfois, ou mal construits car pas encore peaufinés. Ce qui n'empêche que l'on fera aussi la découverte de pépites d'ingéniosité sans cesse renouvelée, ce qui là encore a été démontré tout au long de ce mois. Avec ces idées simples et son éditeur compliqué, il ne tient donc plus qu'aux joueurs de faire la qualité de LittleBigPlanet. Et certains ont déjà oeuvré à la chose avec brio.
- Graphismes18/20
Le style graphique de LittleBigPlanet est vraiment unique et colle merveilleusement bien à son concept. Les personnages semblent tous être consrtuits comme des marionnettes en carton dont les membres sont punaisés et le jeu évoque un bricolage savant et improbable où se greffent des éléments complètement décalés, comme le feu qui a parfois l'air d'avoir été filmé par exemple. Les niveaux créés par les développeurs ont de plus chacun un style très marqué et bien inspiré.
- Jouabilité17/20
Sackboy sait faire peu de choses, avancer, sauter et attraper, mais c'est l'environnement qui vous fera réaliser quantité d'actions et qui fait en sorte que ce qui nous apparaît comme un jeu de plates-formes puisse devenir... n'importe quoi d'autre. Malheureusement, on regrette que la prise en main soit parfois si imprécise. Quant au reste, le coeur du jeu est entre les mains des joueurs Notez que le système de recherche de niveaux de la version test était loin d'être très pratique. On doute qu'il soit définitif mais au cas où...
- Durée de vie18/20
La campagne solo de base est assez courte mais cela n'a guère d'importance puisque le coeur du jeu réside dans la création et le partage de contenu. Tant qu'il y aura des fous furieux pour balancer des niveaux surprenants ou des "choses" indéfinissables, le jeu sera renouvelé.
- Bande son16/20
S'il est dommage de ne pouvoir importer sa propre musique dans le jeu, force est de constater que LittleBigPlanet compte un paquet d'excellents morceaux même si les effets sont un peu en retrait.
- Scénario/
LittleBigPlanet tient-il ses promesses ? Oui et en plus, il mérite le bruit qu'il a pu faire ces derniers mois. Media Molecule a réussi un pari risqué, plonger un personnage qui ne sait pratiquement rien faire dans un environnement hautement interactif mu par des mécaniques au déclenchement simple et aux réactions complexes. Puis vient l'autre face de LittleBigPlanet, son éditeur qui laisse libre court à votre imagination mais qu'il faudra apprendre à maîtriser en lui consacrant de longues heures de boulot. Qu'on se le dise, créer les niveaux les plus fous ne sera pas à la portée de tout le monde mais que l'on soit d'un côté ou de l'autre de la chaîne, joueur ou créateur, on est comblé. Et avec un design aussi irrésistible hein franchement, comment lutter ?