On vous a dit Eragon, pas Aragorn ! Il est vrai que cela peut prêter à confusion tant l'univers d'Eragon emprunte au Seigneur Des Anneaux et à toutes les oeuvres qui ont tenté de lui succéder sans jamais l'égaler. Eragon sur DS se base sur le film du même nom fraichement sorti dans les salles obscures, lui-même inspiré du roman à succès de Christopher Poalini. Alors que sur tous les autres supports, le soft ne nous a offert que des prestations de moyenne qualité, il convient maintenant de se pencher sur le cas de la console la plus tactile de la galaxie. Certains disent que c'est en forgeant qu'on devient forgeron, moi je dis que c'est avec le stylet qu'on devient dragonnier.
Eragon est le fils débrouillard mais mal-aimé d'un fermier misérable. Alors qu'il part à la chasse aux ragondins en cette période de famine généralisée, il tombe par hasard sur un oeuf de dragonne aux reflets bleutés. Les dragons, créatures légendaires servant autrefois de montures à des chevaliers au coeur pur et aux immenses pouvoirs, ont aujourd'hui disparu. Ils furent en effet tous exterminés par un puissant dragonnier, Galbatorix, personnage que n'aurait pas renié Uderzo. Le dragonnier félon désirait plus que tout s'accaparer tous les pouvoirs de cette caste à la puissance démesurée. Le bougre y est parvenu et s'est depuis couronné roi. Eragon est encore bien loin d'imaginer que cet oeuf qu'il décide de garder va changer son destin et faire de lui le dernier des dragonniers.
Le soft sur DS se présente comme un petit jeu d'action mâtiné d'un soupçon de RPG. Vous suivrez donc les aventures d'Eragon, de sa dragonne Saphira ainsi nommée du fait de ses yeux de braise, et de son mentor Brom, ex-dragonnier au chômage technique. Eragon dispose de toutes les capacités d'un jeune aventurier. Il double-saute, frappe d'estoc et de taille, pare les coups ou les esquive. Il peut même user de son arc, et nous le verrons plus tard, de sortilèges qui feraient frémir de peur Lord Voldemort lui-même. Vous l'aurez compris, les combats sont bien entendu monnaie-courante sur les terres du fourbe Galbatorix, qui n'aura de cesse de vous traquer en envoyant ses sbires malodorants. Pour vous aider à vaincre, le soft met à votre disposition un système de lock des ennemis décent et qui rappelle un peu celui de Zelda : Ocarina Of Time sur N64. L'ennemi ciblé se voit donc entouré d'un halo lumineux et tous vos mouvements se feront autour et en fonction de lui. Les ennemis ont beau être illuminés par vos soins, ils n'en restent pas moins incroyablement stupides. Vous pourrez décocher flèche sur flèche aux vilains sans que ceux-ci ne réagissent vraiment. Ils se contenteront souvent de beugler comme des ânes et de piétiner sur place, mais l'idée de venir vous coller leur massue en travers de la trogne n'effleurera jamais leur neurone. Ce qui est dingue, c'est que vous vous trouvez parfois à dix mètres du gougnafier, de face, à découvert, et vous ne susciterez toujours pas le moindre intérêt pour lui. Le corps-à-corps est un peu plus convaincant car vous pourrez varier vos attaques et les ennemis réagiront cette fois de manière beaucoup plus naturelle, sans atteindre des sommets non plus. Le fait est qu'Eragon est facile, sans doute trop. Le public visé est clairement celui des 10-15 ans, un public peu familier de ce genre de jeu et fan du livre si possible.
Le jeu comporte aussi un petit aspect RPG pas franchement très développé mais agréable tout de même. Ainsi, alors que vous évoluerez dans le jeu, il vous sera possible de discuter avec des personnages qui vous proposeront parfois de petites quêtes. Ces petites aventures dans l'aventure sont tout à fait optionnelles et ne se limiteront souvent qu'à la zone dans laquelle vous vous trouvez. Ici, point de quêtes de longue haleine comme la plupart des jeux de rôle purs et durs vous en proposeraient. La majeure partie de ces quêtes ne sont en fait que des petites courses contre le temps, ou bien la recherche d'une dizaine d'objets relativement proches les uns des autres. Après quatre ou cinq de ces petits intermèdes, on se lasse bien vite. Mais comme toute peine mérite salaire, elles seront l'occasion de récupérer quelques petits objets utiles mais surtout de débloquer des images et croquis superbes. Autre élément emprunté aux RPG dans ce petit jeu d'aventure, l'expérience qu'on acquiert au combat et qui se matérialise par une petite jauge au-dessous de chacune de vos armes. Plus vous utilisez votre épée, plus la jauge grimpe. Au final, vous apprendrez par ce biais quelques attaques supplémentaires à l'intérêt parfois douteux.
Mais je faisais aussi mention de magie. En fait, au fur et à mesure que vous progresserez, vous apprendrez de nouveaux sorts, des sorts d'attaque quasi exclusivement. De l'éclair foudroyant à la capacité d'immobiliser un adversaire (comme si cela était nécessaire) pendant quelques secondes, ces sortilèges sont sympathiques mais pas autant que la façon de les utiliser. En fait, l'écran inférieur de la DS vous servira de toile sur laquelle vous devrez reproduire le symbole correspondant au sort qui vous intéresse. Plutôt marrant sur le principe, ce petit truc vous obligera en fait à tenir le stylet dans votre petite main agile, tout en utilisant la croix et les boutons en même temps. Ah je suis convaincu que vous y parviendrez, mais ce n'est quand même le système pas le plus pratique de l'univers non plus. Le soft reconnaît à peu près correctement vos gribouillages et est plutôt tolérant. Sachez d'ailleurs que pour vous guérir, c'est le même rituel, pareil pour vous équiper de votre arc. Tant que je parle d'ergonomie et de prise en main, sachez que pour consulter votre journal de quête, vous devrez impérativement passer par le menu principal, et franchement, c'est lourd. Enfin, la mini-carte n'est pas assez précise et disparaît dès que vous trouvez un objet. Le stylet sera aussi votre meilleur ami pendant les quelques phases à dos de dragon. Vous n'aurez pas le plaisir de pulvériser des adversaires avec le lézard géant, mais simplement de le faire passer à travers des cercles de couleurs. Dommage, d'autant plus que ces phases de vol sont assez jolies.
Le monde d'Alagaësia se divise en plusieurs zones, qui se suivent plus ou moins en ligne droite. Si au début, vous n'aurez que vos jolies gambettes pour les rejoindre, par la suite Saphira vous y en emmènera en trois coups de cuillère à pot. Les différentes zones sont malheureusement beaucoup trop vides. Quelques monstres, deux ou trois bonus cachés et deux ou trois personnages qui se battent en duel, voire en truelle. Les villages vous feront toutefois rencontrer un peu plus de monde. De fait, l'exploration du monde d'Eragon est très limitée et seuls les plus petits et les plus indulgents prendront plaisir à découvrir les quelques surprises du soft. Passons maintenant je vous prie à la réalisation. Le jeu vous offre un environnement en 3D très dépouillé et souvent tristounet. Les textures sont grossières et bavent un peu, mais pour de la DS, le résultat est convaincant. Je suis même prêt à parier que beaucoup de gens qualifieront le soft de très joli. Certains décors ne manquent effectivement pas de charme, et les intérieurs sont parfois superbes, même s'ils finissent tous par se ressembler. Au fil de l'aventure, on découvrira quelques cinématiques réalisées avec le moteur du jeu et qui ont le mérite de ne pas être trop lourdes, ainsi que les superbes illustrations auxquelles je faisais référence plus haut. Sur DS, la musique est très cinématographique car tirée directement du long-métrage. Elle parvient à créer cette atmosphère grandiose que les décors et environnements trop vides ne parviennent pas à procurer. Les divers morceaux savent se faire discrets ou bien au contraire s'emballent lors de certaines scènes. Un excellent travail sur la console de Nintendo. De même pour les bruitages de qualité qui retranscrivent assez fidèlement ce que vous observez à l'écran. Vous martelez le plancher de vos bottes crottées ? Les haut-parleurs de la console vous gratifieront d'un bruit sourd et convaincant qui évoque le chalet de mamie. Quel dommage qu'il n'y ait absolument aucune voix dans le soft. Mais cela aurait sans doute été trop en demander à la petite cartouche noire. Tous les dialogues n'apparaîtront donc que sous la forme de textes qui sentent un peu la localisation mal faite. " Bonjour ! Je m'appelle Robert, je suis routier, et je suis la nièce de Cunégonde". En bref, Eragon est un petit jeu aux qualités et aux défauts tout aussi nombreux, mais il trouvera sans aucun doute sa place dans les cours de récréation.
- Graphismes13/20
Des espaces ouverts mais très dépouillés côtoient des intérieurs fort réussis. Eragon ne s'en tire pas mal du tout sur DS. Certains paysages sont même plutôt plaisants. L'animation est soignée et les adversaires affichent un design probant.
- Jouabilité11/20
Les attaques de base d'Eragon sont variées et simples à enchaîner, mais on perçoit une certaine raideur lors des déplacements. L'utilisation du stylet n'est pas forcément très intuitive et il vous faudra apprendre à jouer tout en gardant le petit bout de plastique dans la main. Du coup, on tend à ne pas trop se servir de la magie pendant les affrontements. La caméra part un peu en sucette par moments mais vous pourrez l'orienter manuellement.
- Durée de vie8/20
Un joueur moyen ne mettra que six ou sept heures à plier le soft, mais ce n'est certainement pas ce genre de public qui est ici visé. Les deux mini-jeux à débloquer sentent la fiente de dragon et n'ont pas le moindre intérêt
- Bande son14/20
La musique est belle et contribue grandement à créer l'atmosphère d'Eragon. En fait, le jeu lui doit beaucoup. Les bruitages sont aussi de bonne qualité et retranscrivent fidèlement ce qui se passe à l'écran. En revanche, il n'y a pas le moindre doublage et vous devrez vous contenter de votre imagination.
- Scénario11/20
Il vous faudra sans doute être familier du roman ou du long-métrage pour comprendre l'histoire. De superbes illustrations, ainsi que des cut-scenes bien moins convaincantes, tenteront tant bien que mal de vous faire suivre le scénario. L'univers heroic-fantasy reste cependant attirant.
De toutes les adaptations du film en jeux vidéo, cet Eragon sur DS est sans doute la meilleure. Le titre ne manque pas d'atouts, mais il est trop facile et manque vraiment de profondeur. Il touche un peu à tout sans parvenir à trouver ses marques. Eragon manque d'ampleur et reste un petit jeu idéal pour s'initier en douceur au jeu d'action et d'aventure.