Branchez les trouillomètres, Condemned est là. après un passage remarqué sur Xbox 360, le titre glauque de Monolith arrive finalement sur PC. Loin des effets brillants et lumineux, Condemned fait le choix de la noirceur, de la crasse et du glauque. Après F.E.A.R., Monolith confirme que le temps du joyeux No One Lives Forever est bien révolu et que le studio est un as en matière de peur primaire.
Journée presque ordinaire pour Ethan Thomas, agent du FBI venu inspecter les lieux d'un crime sanglant, commis par un serial killer de plus. Les temps sont étranges dans cette ville où la criminalité augmente de manière inquiétante alors que, partout, des oiseaux sont retrouvés morts, le cerveau réduit en purée. En pleine collecte d'indices, voilà qu'Ethan se retrouve K.O, voyant s'enfuir, avant de sombrer, son agresseur lui ayant dérobé son arme. Deux policiers assassinés, un agent du FBI comme principal suspect. Soutenu par son amie Rosa, avec qui il restera en contact téléphonique, ainsi que par un homme mystère qui en sait long, c'est à Ethan de faire la lumière sur une affaire trop sombre tout en évitant la police. Bienvenue dans Condemned, un thriller aux "frontières du réel", plus glauque qu'un Max Payne, plus malsain qu'un Silent Hill.
Avant toute autre chose, Condemned est un jeu d'ambiance. Pas vraiment un FPS, pas vraiment un survival horror, il est un peu tout à la fois, rappelant Doom 3 ou encore Silent Hill, voire même Manhunt. On entendra sans doute dire cela à plusieurs reprises, mais le jeu de Monolith parvient tellement bien à vous faire flipper, que le moindre bruit deviendra source d'angoisse, même lorsque c'est vous-même qui l'aurez causé en vous cognant dans un objet quelconque traînant sur le sol. Pourquoi une peur aussi prononcée ? D'abord parce que Condemned est sombre et pourvu d'un design soigné. Du squat insalubre peuplé de camés fous furieux, à la bibliothèque incendiée en passant par le métro désaffecté, les lieux que vous allez explorer sont tous délabrés, et éclairés par de minces filets de lumière blanchâtre projetés par une lune malveillante. Malsain, c'est le mot, puisqu'abritant toutes sortes de rebus criminels, les décors sont sales et on y trouve des cadavres d'oiseaux à tous les détours. En progressant, on a presque l'impression de sentir l'odeur pestilentielle qui peut parfois y régner. Avec son grain d'image grossier et cette lampe torche qui éclaire aussi bien qu'un briquet, difficile de ne pas passer son temps à se demander ce qui peut bien provoquer un bruit de chute, un feulement, un chuintement, et je ne parle pas des cris. On a bien raison d'avoir peur.
Malgré ses airs de FPS, Condemned laisse peu de place aux armes à feu. Quand vous en trouverez une, soyez certain qu'elle ne comptera que quelques maigres munitions, 2 cartouches, un demi-chargeur, un barillet à moitié vide. C'est donc avec des armes blanches qu'il faudra vous défendre. Arrachez une canalisation, ramassez une pelle, un bout de bois, une hache, un coupe papier, n'importe quoi. Pour vous battre, vous disposez de ce que vous trouvez, qui vous servira à frapper ou à parer. Et mieux vaudra rapidement saisir le timing afin de ne pas vous faire tatanner la tronche comme rarement. Pour compléter les combats, Ethan possède également un taser lui permettant d'étourdir momentanément ses adversaires et peut aussi leur lâcher quelques fourbes coups de pied qui les maintiendront au sol. Autant le dire tout de suite, les combats de Condemned font preuve d'une grande violence, laissant ressentir toute la puissance des coups portés en pleine tête et la douleur qu'ils infligent. Aussi bien sur "eux", que sur vous. A les voir dans les premiers temps, on pense que les junkies rendus fous ne sont pas une grande menace mais après quelques heures, on constatera leur capacité à surgir de l'ombre, à se cacher ou à profiter du fait que vous soyez en train de latter un de leurs potes pour venir vous frapper. Ajoutez à cela une attitude assez terrorisante, et vous aurez une idée de pourquoi on avance toujours en transpirant, avec cette sensation déplaisante d'être englué dans le regard haineux d'une créature à peine humaine. Si, si, vous verrez. Le rôle de la bande-son dans cette montée de trouille n'est évidemment pas négligeable. De même, à plusieurs reprises, des effets de mises en scène viendront ponctuer l'action, la caméra ne quittant jamais la vue subjective lorsque vous êtes poussé au bas d'un escalier ou qu'un psychopathe vous met la tête en vous maintenant dans son étreinte.
Mais Condemned abrite bien d'autres éléments d'ambiance qui viennent épaissir un peu plus l'atmosphère irrespirable. Sachez ainsi qu'Ethan ne passe pas tout son temps à errer la peur au ventre ou à donner des coups de pelle. A l'occasion, il peut aussi se mettre à chasser des indices dans un coin de pièce, en se servant d'outils amusants grâce auxquels il peut détecter des substances organiques ou des empreintes. Il lui suffit ensuite de les collecter avec d'autres outils et d'envoyer ces scans à sa copine Rosa. Et ainsi le scénario peut-il lentement se dévoiler à nous. Pour repérer les preuves, l'agent du F.B.I. compte sur son instinct, qui s'accompagne d'un changement de grain de l'image et, surtout, de visions délirantes et cauchemardesques.
Mais tout revers a sa médaille - ou plutôt le contraire mais j'ai pas envie d'effacer mon texte - et Condemned doit malheureusement subir quelques agressions en règle. Commençons par la peu habille façon dont les développeurs s'efforcent de nous garder dans la progression linéaire et scriptée du jeu, avec un personnage parfaitement incapable de sauter par-dessus n'importe quel objet obstruant une porte ouverte. Un défaut souvent agaçant à la longue, d'autant plus que le level design n'en compte pas moins une flopée de pièces totalement vides et qu'on ira explorer pour rien, ce qui peut énerver si l'on considère les déplacements très lents du personnage. Mais ce n'est pas là le plus gros reproche qu'on souhaite adresser au jeu. Clairement, Condemned passe à côté d'un gameplay qui lui manque. L'intégralité des puzzles et énigmes sont bien trop simples à compléter. En premier lieu, tout ce qui concerne la collecte d'indices est entièrement automatisée. Si l'on peut être heureux qu'il nous soit signalé à quel moment les chercher (sinon autant se jeter de suite par la fenêtre), il est dommage que le bon outil de recherche, puis de collecte, soient automatiquement sélectionnés et qu'il ne nous soit pas possible de faire nos propres essais. En conséquence, le côté enquête de police en souffre grandement, cédant trop de place au côté film noir, avec un joueur passif. Les autres énigmes sont relatives à la progression, et là encore, tout nous est indiqué à l'écran. Une porte est bloquée ? On vous dit que vous devez trouver une hache pour la défoncer. Une grille ? "Pied de biche nécessaire". Etc. Outre le fait que Condemned ne risque pas de vous faire chauffer le cerveau, on ne peut que déplorer des mécaniques de jeu aussi simples et datées. Pas de panique, il ne s'agit pas de dire qu'on s'ennuie, mais le jeu aurait certainement gagné à tenter la carte de la diversité et il est indubitablement regrettable que le joueur ne se sente pas plus investi dans l'enquête.
Quelques autres écueils fragilisent encore un peu la coque de ce fier navire. Si le design de Condemned est en tout point admirable, même si beaucoup lui reprocheront d'être trop sombre, il faut reconnaître que la réalisation technique n'est pas vraiment à la hauteur. Il est vrai que l'on peut arracher un paquet de choses des murs pour se battre, mais globalement, l'interaction avec les décors est somme toute limitée. Les textures manquent de finesse, et on déplore des éclairages dynamiques un peu légers. Notons encore, la faiblesse de certains détails pourtant pas si anodins que ça, comme le fait qu'un voilage ne se soulève pas à votre passage, agissant plutôt comme un mur impossible à traverser. En contrepartie, on peut féliciter la gestion du moindre rai de lumière savamment positionné afin d'en montrer un peu, mais pas trop, ou encore l'animation des personnages, notamment lorsqu'ils tentent vainement d'empêcher le sang de couler de leur oreille déchirée. Mais malgré tout cela, rien à faire, une fois que l'on a suivi Ethan sur les lieux de ce crime par où tout a commencé, il est hors de question de le laisser poursuivre seul. S'il n'est pas parfait, Condemned n'en n'est pas moins l'un des jeux les plus prenants et flippants de cette année.
- Graphismes15/20
S'il sait placer les lumières, Condemned se montre très léger sur leur gestion dynamique, la physique est sommaire et les textures souvent peu détaillées. Mais en termes de design et d'atmosphère, c'est une grosse claque.
- Jouabilité14/20
La maniabilité ne pose aucun souci. Le gameplay se montre finalement très (trop) simple et plus que bien d'autres jeux, Condemned se révèle, avant toute autre chose, être un jeu d'ambiance.
- Durée de vie14/20
Comptez une douzaine d'heures environ, ce qui reste honorable pour un jeu de ce type. Vu sa consistance, plus pourrait bien provoquer l'overdose de toutes façons. En revanche, il va de soit que rejouer ne présente pas d'intérêt.
- Bande son17/20
La bande-son est maîtrisée de bout en bout avec des thèmes musicaux extrêmement discrets mais des bruitages terrorisants. Le moindre son devient source de stress et certains effets lugubres se chargent d'aider à garder un doute sur le caractère paranormal de tout ça. Et les hurlements pleins de haine et de folie des ennemis sont une pure horreur.
- Scénario17/20
Le scénario ne ferait pas tâche dans un thriller au cinéma, ce dernier s'amusant même à glisser quelques fausses pistes. Plus généralement, l'ambiance palpable du jeu est une merveille à déguster chez soi, dans le noir, avec le son bien à fond.
Condemned puise dans les bas-fonds de nos peurs les plus primaires : la peur du noir, la peur de ce qu'on ne voit pas, et la peur de ce qui pousse des cris bizarres. Cette atmosphère pestilentielle et horrifiante enverrait au tapis les ténors du survival horror, en particulier quand on la couple à la violence des combats. Dommage cependant que le gameplay soit aussi tristement dirigiste, Monolith ne laissant pas la moindre initiative au joueur.