Essayer de décrire le concept de We Love Katamari revient un peu à tenter de convaincre une personne qui ne s'intéresse pas au jeu vidéo de la beauté de Shadow Of The Colossus ou de la fureur de Gradius 5. Malgré des tentatives pleines d'espoir on finit toujours par faire un résumé rapide à grands coups de "enfin c'est beau quoi" ou encore "c'est très fort". Par ce principe on en viendrait simplement à dire que We Love Katamari est un jeu où l'on pousse une boule. Un raccourci criminel, mais qui trouve tout de même sa part de vérité, simple et brute. Car le titre de Keita Takahashi est en effet un subtil mélange de finesse et d'instinct, aspergé d'un morceau d'arc-en-ciel. Je sais, on n'est pas plus avancé.
Se déroulant quelque temps après les évènements du premier opus, le soft de Sony remet en scène le fils du Prince du cosmos, autrefois chargé de corriger les écarts de son glorieux et glamour paternel. Encore auréolée de sa gloire nouvelle, cette valeureuse famille se voit littéralement adulée par les peuples de la Terre, tombés totalement sous le charme des aventures narrées dans Katamari Damacy. Pour la première fois, vous observerez donc les répercussions d'un succès vidéoludique sur les propres héros de cette production. Une mise en abîme délicieuse, donnant une sorte d'existence hors du jeu et hors des temps à des personnages aussi inquiétants que pathétiques. Sublimés par une approche graphique terriblement originale et dénuée de toute restriction d'organisation, sorte de terrain d'expérimentation acidulé, ces derniers évoluent au gré d'évènements clairement improbables. Affublés d'appendices ridicules de chaque côté du crâne, nos amis venus de l'espace se veulent une troupe de rédempteurs chamarrés n'ayant d'autre but que d'exaucer les voeux et les souhaits des admirateurs humains du Prince. Jetant des poignées de délires multicolores dans un monde un tantinet trop figé, la fine équipe s'attelle à n'importe quelle tâche, allant du nettoyage d'une chambre à la conception d'un "katamari" massif et particulièrement décoratif. Et tout ça sans arrière-pensées mercantiles. Simplement pour le bonheur du monde et l'équilibre de l'univers, rien que ça. Déroutant et fascinant, hilarant et presque effrayant, We Love Katamari brasse les sentiments et propose un filtre magique à la production stéréotypée. Rien ne peut préparer à une telle révolution artistique, mis à part le premier opus de la série bien sûr, toutefois jamais paru sous nos latitudes. Des chats carrés adeptes de plongées sous-marines, des nains cubiques chevauchant des faons dans des massifs de fleurs, des robots dansant le french cancan au rythme d'une mélodie solennelle font de WLK un pari visuel sans cesse rejoué. Une sorte de jeu dans lequel le but serait d'associer deux choses totalement éloignées tout en gardant une cohérence incroyable. Un trip "débilo-hypnotique" sans commune mesure, mais qui ne se contente pas de faire naître un sourire par sa simple apparence.
En effet, le soft de Namco est avant tout une histoire de concept. Pour faire simple, votre but premier est de redonner une image agréable à la galaxie, tout en contentant les personnes que vous rencontrez et ceci à l'aide d'une simple boule nommée Katamari. Même si cela paraît difficilement réalisable dans une logique cartésienne, il vous suffit pour saisir le fond de ce principe d'abandonner la notion de logique. Une fois cela fait, tout devient limpide et tout bonnement magnifique d'inventivité. En fait, dès que vous rencontrez un être humain déambulant sur Terre, celui-ci se croit immédiatement obligé de vous demander un service. Pour tenter de répondre à ses attentes, vous êtes projeté dans un niveau en accord avec la thématique de sa requête, afin de collecter des objets dans un but bien précis. Soit il vous demande de saisir un nombre d'items donné dans un temps précis, soit d'emmagasiner suffisamment de choses inutiles pour accéder à une grosseur de boule notable, soit de conserver un certain temps des éléments "instables" qu'il faudra à tout prix empêcher de disparaître. Bien entendu, ces aspects du gameplay varient selon les missions et les niveaux, donnant à voir une variété bien plus probante que celle du premier opus, qui semblait avoir pris des vacances sans le signaler à ses supérieurs. Mais comme dirait l'autre, l'important, c'est la boule. Et effectivement, fidèle compagne aux contours plus ou moins accidentés, cette dernière demeure votre seul moyen de subvenir aux besoins de vos fans en vous laissant utiliser à votre gré sa surface collante. Visiblement doté d'un grand pouvoir adhésif, votre coéquipier circulaire peut engluer n'importe quel objet ou animal, allant du pinceau au chat en passant par une tortue innocente. L'idée de génie étant qu'évidemment plus vous accumulez d'éléments et plus votre boule grossit. Et à vue d'oeil s'il vous plaît. A chaque palier de diamètre passé, vous acquérez le pouvoir de grimper sur des murs de plus en plus élevés dans le but de découvrir des zones "secrètes" regorgeant d'objets à ramener avec vous. De plus, et c'est bien une des seules composantes rationnelles du soft, votre sphère se doit d'avoir un embonpoint important si votre but est de mettre la main sur des animaux, plantes ou ustensiles de taille majeure.
C'est dans cette longue envolée baroque polychrome que vous découvrirez dans la foulée, encore tout émoustillé par l'expérience que vous êtes en train de vivre, que le maniement d'une boule de un mètre de diamètre reste dans le domaine du possible. Disposant d'un gameplay qui ne craint pas les balles ni la critique, We Love Katamari vous permet de contrôler votre décharge ambulante à l'aide des deux sticks analogiques de la manette. Une idée qui peut sembler saugrenue mais qui s'adapte parfaitement au déroulement des parties, opérant une véritable fusion entre le joueur, la sphère et l'extraterrestre aux commandes. Après une phase obligatoire de domination des évènements aussi appelée apprentissage, vous parviendrez avec une aisance presque inhabituelle à manoeuvrer la matérialisation ronde des espérances de votre "client". Arborant une physique étrange mais curieusement instinctive, le couple boule-héros fonctionne à merveille, diffusant une espèce de liberté grisante. Poussant à se laisser porter par les moindres dénivelés, à prendre les virages le plus serré possible et à profiter au maximum de cette impression nouvelle en cherchant les recoins mystérieux des différents niveaux, le gameplay apparaît tout autant révolutionnaire qu'idéal. Serions-nous alors devant l'accomplissement cosmique du jeu vidéo ? Et bien pas vraiment, malgré la présence de renards géants et de lapins en jogging. Les regrets naissent en fait dans l'absence de réelles nouveautés par rapport au premier opus et de quelques soucis de caméra pouvant nuire à une bonne visibilité du terrain. Plus une sorte d'add on qu'une véritable suite, We Love Katamari contient tout de même nettement assez de fun, de folie et de dépaysement grandiose pour se hisser au niveau des étoiles. Pour une fois qu'un titre innove sans concession et en s'assumant totalement. Un jeu boulifiant !
- Graphismes14/20
Certes la réalisation reste nettement en dessous de ce que l'on a l'habitude de voir sur PS2, à cause de textures relativement pauvres et d'une propension à la pixélisation, mais ce n'est pas ici le plus important. En effet, l'univers du soft de Namco est tellement original, délirant, fascinant et empli de poésie qu'il efface d'un large mouvement les soucis purement techniques. Une voyage naïf et fantaisiste qui fait souvent penser aux interludes animés des Monty Python.
- Jouabilité15/20
Le duo composé du "katamari" et du héros tentant de le diriger se manie fort bien après quelques petites minutes d'apprentissage. Doté d'une physique assez spéciale mais exploitable avec plaisir, le titre se laisse aller à s'adapter au joueur qui maniera sa boule avec plus ou moins de vivacité selon sa manière de jouer. Mais dans tous les cas l'impression de fraîcheur demeure la même. A noter tout de même quelques soucis de caméra un tantinet dérangeants.
- Durée de vie14/20
Le titre se termine assez rapidement, même si c'est toujours avec joie que l'on revient dans la fureur de l'action. En effet, le monde de We Love Katamari ne cesse de charmer et donne de plus accès à de nouvelles conditions de victoire si vous vous amusez à revenir au sein de missions déjà effectuées. Dans la foulée, si vous désirez obtenir l'ensemble des objets et des cadeaux intéressants, vous devrez passer de longues heures à écumer l'univers. En outre, un mode versus (peu passionnant) et un mode coopératif très sympathique sont à votre disposition.
- Bande son15/20
Si les sonorités des morceaux choquent parfois par leur aspect terriblement synthétique, il ne faut pas y voir un manque de moyen ou d'inspiration. En effet, maniant le second degré avec talent, les compositeurs de WLK sont parvenus à mettre au monde une bande sonore stupéfiante de variété et de sous-entendus musicaux. Tantôt percées de rythmes jungle associés à un chant latino, d'envolées orchestrales ou encore de délires semblant sortir des années 80 avec un kitsch assumé, les compositions du jeu rivalisent d'ingéniosité et de luminosité.
- Scénario14/20
Difficile à clairement rapporter, l'histoire de We Love Katamari expose des héros vidéoludiques adulés par le public pour leurs actions relayées par le jeu Katamari Damacy. Surpris par leur popularité malgré le statut de "jeu de flemmard" qu'avait le soft, ces derniers vont essayer de tout faire pour conserver cette gloire, répondant à l'ensemble des demandes du peuple de la Terre. Original et décalé.
Véritable bonbon acidulé découvrant ses saveurs au fur et à mesure de sa dégustation, We Love Katamari pique quelques fois la langue mais s'active à panser ces blessures par une douceur explosive. Trip coloré et ingénieux, le titre de Namco fait partie de ces softs qui sans arriver avec une cohorte de pubs et de déclarations chocs parviennent à créer une brèche dans le monde du jeu vidéo. A vous de vous y engouffrer et de découvrir ce qu'un esprit fécond peut donner sans limites imposées. Une petite perle qui a ses aspérités mais qui mérite d'être placée sur un beau collier. Un titre différent, mais c'est pour ça qu'on l'aime.