Certains changent de nom comme certaines personnes changent de vie. Débutant leur carrière avec un patronyme plus ou moins inspiré, ils se décident de l'abandonner pour des raisons multiples. Parfois, cet acte fait suite à un souci de camouflage, et d'autres fois symbolise un renouvellement dans le fond et la forme. C'est à cette dernière classe qu'appartient Battalion Wars, loin de ses aînés, tout en étant tributaire d'un esprit similaire. Une sorte de vieux tonton qu'on ne connaissait pas il y a encore peu de temps. Mais ce qui est bien avec ces parents cachés, c'est qu'ils nous ouvrent une voie nouvelle pour les anniversaires, Noël et tout le tralala. Ils deviennent donc des mânes autant financières qu'émotionnelles. Mais heureusement pour le titre de Kuju, nous ne sommes pas vénaux.
Sorte de prolongement de l'univers inhérent aux opus tactiques de la série Advance Wars, le soft qui nous intéresse aujourd'hui permet à la Gamecube d'accueillir enfin cette saga en son sein. Après Fire Emblem "embelli" d'une 3D de circonstance, le cube chamarré de Nintendo semble destiné à se métamorphoser en terre promise du jeu de stratégie pur et surtout dur. Pourtant, et ce dès l'entrée en matière de Battalion Wars, on remarque aisément que quelques petites choses ont changé, voire la globalité. En effet, dans sa volonté profonde de renouvellement actif, la saga aux nombreuses éloges de tacticiens émérites, s'envole sur les hauteurs de la stratégie/action. Drôle de genre, me direz-vous, et bien pas tant que ça. Initié par le bucolique Pikmin, ce type de soft parvient à mêler avec intelligence le côté ludique s'extirpant d'une jouabilité "directe", et l'aspect plus réflexif par le biais de la gestion de plusieurs groupes et de leurs capacités respectives. On se trouve donc confronté à une espèce de "terra incognita" étrangement attirante, et bienfaitrice. Effectivement, il est rare de dénicher un titre parvenant en quelques phases de gameplay, d'une part à placer le joueur dans un confort de jeu émanant d'un tutorial intuitif, et d'autre part d'activer une envie immédiate d'aller plus en avant, dans le but de développer cette première impression. Car s'il peut être déroutant pour les amateurs des épisodes GBA et DS, Battalion Wars apporte tout de même sa propre vision de cet univers de guerre parodique dans la forme, évitant le créneau de l'adaptation facile. Il vous faut donc mettre de côté la restauration de troupes à l'intérieur des villes, la prise de pouvoir sur des camps ou des villes entières, ou encore la construction d'unités, afin de vous imprégner totalement de l'action intense sur le terrain, loin des cartes d'état-major de vos supérieurs.
Parachuté derrière les lignes ennemies en tant que commandant d'une petite troupe de soldats valeureux, vous allez devoir mener à bien les différentes missions que l'on vous propose en tenant compte des moindres détails survenant dans votre reconnaissance du champ de batailles. La raison de cette observation poussée est simple, vous ne dirigez personnellement qu'une unité, garante de la vie d'une dizaine d'autres. Il serait pour le coup suicidaire de partir à l'assaut sans se soucier de la présence ou non d'obstacles et de cachettes envisageables. Cependant pas d'inquiétude à avoir, car s'il vous arrivait par le plus grand des hasards ou par une balle dans la tête de mourir, vous changeriez automatiquement de personnage dans le but de ne pas casser le rythme général, et surtout de ne pas confronter le joueur à une trop grande difficulté. Néanmoins, si vous désirez éviter de vous retrouver tout seul à l'assaut d'une place-forte par excès de zèle, il va falloir tirer parti des forces et des faiblesses de chaque type d'unité placée sous vos ordres. De fait, vous devrez construire vos attaques en veillant à bien équilibrer vos forces, en disposant par exemple des Bazooka Veteran pour contrecarrer l'avancée de chars ou encore des Mortar Veteran nécessaires à la destruction de cibles dissimulées, tout en les protégeant de l'infanterie avec vos guerriers "de base". Chaque choix impose ses limites, et il faudra souvent réfléchir vite pour éviter des pertes trop imposantes. De plus, étant donné que votre avatar prend part au combat, il est souvent éreintant de donner des ordres tout en évitant un tir nourri de mitraillette. Fort heureusement, vous avez la capacité d'esquiver les projectiles par des roulades sur le côté digne de Gabe Logan, et surtout de riposter. Car un conflit armé sans riposte de quelque nature que ce soit, c'est un peu une défaite. C'est pour cela, que vous disposez d'un système de lock très bien pensé, et conservant longuement une cible, même très mobile. De plus, c'est également grâce à celui-ci que vous aurez l'opportunité de donner vos instructions.
Une fois un opposant ou un objet inscrit dans votre viseur, il vous suffit tout simplement de presser la touche "y" pour lancer votre formation à l'assaut, vous incluant bien entendu dans cette course vers une mort probable. Il est d'ailleurs possible, et conseillé, d'envoyer deux unités différentes sur deux cibles dissemblables de la même manière, juste après avoir fait son choix dans les troupes présentes à l'aide du stick "c". En sus, et par l'utilisation du bouton "x", vous avez le pouvoir de gérer le degré d'implication de vos compagnons. Soit vous leur demandez de vous suivre aveuglément, afin de vous couvrir en cas de guet-apens, soit vous décidez de leur intimer l'ordre de tenir leur position dans une stratégie totalement défensive. Il est de fait sage de se constituer des petits groupes disséminés, peu aisés à repérer, et surtout fournissant un soutien particulièrement salvateur. Battalion Wars met donc un terme à l'omniprésence des Pikmins dans un créneau qu'il occupe désormais rangers aux pieds et M-16 dans les mains. Mais point de violence gratuite pour autant. Car si son propos reste la guerre dans sa basse réalité, le titre de Kuju se pare d'un manteau parodique bien trop épais pour laisser passer un quelconque message haineux. S'enveloppant d'un cel shading certes aux couleurs un peu ternes mais à la définition digne de louanges, le soft repousse donc au loin le spectre de la barbarie, préférant l'enterrer sous des animations détaillées et amusantes, et un propos assez décalé. Mettant en scène plusieurs nations terriblement caricaturales, dont une pseudo Amérique du Nord avec son général hurlant malgré un cigare au coin des lèvres et une simili Russie affichant de vigoureux commandants jouant aux échecs, Battalion Wars se place dans une optique similaire à celle de ses prédecesseurs sur consoles portables. Et la petite citation "War does not determine who is right, only who is left" de Bertrand Russell ne laisse aucun doute à ce sujet.
Une parenté qui va même plus loin que la tonalité globale, à la vision d'unités disponibles semblables à celles présentes dans les différents Advance Wars. Par ailleurs, dès l'affichage de la carte du terrain de combat, on remarque aisément la présence de sprites directement issus des versions sus citées. Des petits clins d'oeil loin d'être anodins, renvoyant directement à une volonté de ne pas perdre totalement le joueur dans un gameplay, certes détonnant, mais peu en adéquation avec les habitudes des amateurs. Le soft de Nintendo demeure donc en l'état un titre très attirant, mêlant avec délice deux types de directions ludiques sans pour autant tomber dans le piège de la compléxité ou de la simplicité maladive. Malgré tout, il est assez dérangeant de ne pas disposer d'une plus nette insertion du côté stratégique, mis un tant soit peu de côté, au profit de l'action. D'autant que durant ces phases dynamiques, il vous faudra parfois prendre le contrôle de véhicules tout-terrain relativement rapides et surtout relativement irritants. En effet, les pseudo jeeps présentes dans le jeu ont la fâcheuse habitude de partir en tête-à-queue sans raison apparente, surprenant même la caméra qui ne sait plus où donner de la tête. Il n'est donc pas rare d'être bloqué pendant de longues secondes à subir des tirs ennemis plus que nourris. Néanmoins, Battalion Wars est réellement une agréable surprise, offrant à la série de Nintendo une alternative assez maline. Ah mon panzer est arrivé, je dois y aller.