Et dire que je sortais tout juste de la thérapie qui visait à me faire comprendre que, "non, je ne suis pas Code 47 et que me raser le crâne n'y changera rien, et d'accord je veux bien vous lâcher monsieur", et paf, voilà qu'arrive le troisième volet. Deux ans d'attente pour les fans d'infiltration et de l'assassin silencieux. Mais si la première présentation qui me fut faite de ce nouvel opus m'avait enchanté, je dois bien reconnaître que, d'une certaine manière, Hitman Contracts déçoit à certains égards.
Voilà que l'on retrouve code 47 se vidant de son sang dans un hôtel miteux, touché en plein dans les tripes. Mais qui a pu blesser le chauve ? Et qui c'est ce type qui lui farfouille dans les intestins ? Et Va-t-il réussir à atteindre la télécommande pour changer de chaîne ? Mystère et boule de gomme, mais en attendant, 47 délire et ce sont ces délires que vous allez visiter. Un son, une image, voilà qui suffit à lui rappeler le souvenir de ses premières missions. Voilà comment se fera la progression dans le jeu. Chaque mission sera un pan de la mémoire de Code 47, les cinématiques se déroulant quant à elles au présent, pour nous mener vers la fin du jeu. Et en fouillant le souvenirs de 47, ce sont souvent d'anciennes missions du premier Hitman que l'on revisitera, remaniées pour l'occasion. Des missions qui se déroulent toujours de nuit, sous la pluie ou la neige.
Ceux qui connaissent la série de longue date ne seront pas dépaysés puisque le gameplay n'a strictement pas changé. Une, deux ou trois cibles que l'on devra atteindre par tous les moyens qui nous semblent bons, la voie royale étant celle de l'assassin silencieux, on progresse sans se faire remarquer et on élimine que notre cible. La base même de cette méthode consistant à se dégotter des fringues passe-partout, pour cela soit on tombe par chance sur une tenue qui traîne, soit on doit dépouiller un quidam de ses fripes. Le tout en prenant toujours garde à ce que tout colle, en n'oubliant pas les accessoires, la bonne arme. Un soldat russe avec un Colt ça le fait pas. La suite, et bien comme avant, on avance, on reste discret, surtout on ne court pas même si l'indicateur de suspicion commence à virer au rouge et on se débrouille pour parvenir à zigouiller la cible en choisissant son chemin à travers des maps immenses et à ce niveau les possibilités sont vraiment vastes. Du coup, on a souvent toutes sortes de manières de tuer, on se déguise en majordome et on empoisonne un verre ou on balance un jerrycan d'essence dans le conduit d'une cheminée, on snipe d'un toit, on s'infiltre en invité dans une loge VIP. Certaines idées sont simplement jouissives. Je ressors le coup du laxatif dans la soupe, zou plus qu'à aller attendre le gus aux toilettes histoire d'être tranquille et hop. Bref, c'est le gameplay Hitman et on sait déjà à quel point il est plaisant. On retrouve toute cette tension du type déguisé qui se demande si oui ou non il va se faire griller, ainsi que les vastes choix dans notre façon d'agir, la liberté et la cogitation que cela implique. Toutes les qualités qui nous ont fait aimer, que dis-je, adorer Hitman sont au rendez-vous, pas la peine de développer une fois de plus. Si ce n'est le level design qui nous offre des cartes parfois encore plus vastes qu'avant, et surtout des lieux qui "existent" et non pas des chemins à choisir. Chaque zone est composée de bâtisses, de cours, de pièces, de couloirs que vous traverserez comme vous le souhaitez, et jamais de chemins prédéfinis, même si certains scripts se déclenchent à droite à gauche, à votre passage, histoire mettre la pression (mais sans jamais prendre le pas sur vos propres actes)
Côté armement, on retrouve nos classiques, Code 47 a toujours une énorme panoplie (une cinquantaine d'armes) même si le plus souvent il s'agit d'éléments de déguisement (le coeur de l'équipement reposant sur la corde à piano, un bon 9mm avec silencieux et les doubles Ballers en cas de rififi). On notera le retour de la mallette du premier Hitman qui permet de transporter en toute discrétion un fusil de snipe. Seulement voilà, il y a des accrocs dans ce bonheur glacial. D'abord, aussi bon soit-il, le gameplay n'a pas changé d'un iota depuis deux ans. Ce ne serait absolument pas gênant si d'autres aspects avaient, pour leur part, évolués. Ce n'est pas le cas, pire, un aspect crucial a régressé. En fait, ça va être une affaire de goût. Le parti pris de nous jeter dans les souvenirs de 47 c'est sympathique, mais le problème c'est qu'au passage on a perdu les briefings. D'un coup d'un seul, on est plongé dans le niveau. Adieu les briefings de mission détaillés et surtout très classes notamment grâce aux vidéos ou aux photos, sans parler de la carte. En lieu et place, on devra ouvrir un menu et entendre la voix de Diane nous lire un malheureux compte rendu en matant des images toutes vilaines. Du point de vue du gameplay, ça peut handicaper, mais c'est surtout l'immersion qui en prend un coup sur certaines missions. On perd totalement le côté froid et calculateur du chasseur à qui on désigne une proie et qui se prépare à la chasse. Et en termes d'ambiance, ça manque. Tomber de but en blanc dans le niveau est assez déconcertant, d'autant que l'on comprend mal ce qu'on vient faire et que l'ensemble paraît très décousu, contrairement à Hitman 2 où chaque cible avait sa raison d'être (ou de ne plus être en l'occurrence) clairement définie par le scénario. On gagne un aspect hollywoodien mais on perd l'aspect professionnel si je puis dire.
Autre problème, l'absence d'évolution technique, à commencer par l'IA qui commence à dater avec ses deux ans d'âge et qui souffre d'errances assez déplaisantes, c'ets bien là d'ailleurs le gros problème du jeu. On évitera le mode de difficulté Normal qui laisse trop la part belle au bourinage intensif et facile, pour opter pour un mode plus corsé. Mais il n'en reste pas moins que le comportement des NPC, se devrait en 2004, d'être plus convaincant qu'en 2002, or ce n'est pas le cas et c'est assez regrettable. Les réactions sont quelques fois surprenantes et d'une manière générale, on déplore que les gardes se montrent soit trop perceptifs, soit pas suffisament. C'est pas la mort, c'était déjà le cas dans Hitman 2, c'est bien là le problème en fait. Quant aux civils, lorsqu'ils paniquent, ils ressemblent à des lutins épileptiques aveugles qui courent dans tous les sens par exemple. De plus, il est trop aisé de faire un massacre et de constater qu'on peut ensuite de nouveau berner les gardes. Mais le plus surprenant demeure les moments où on passe en statut "découvert" (formellement identifié donc) sans qu'il n'y ait âme qui vive dans les environs (un bug de la version test ?). Encore une fois, c'était génial en 2002, mais là on aurait voulu que les choses soient parfaites et c'est surtout le manque général de naturel qui choque. Surprenant aussi est le fait que les cibles ne soient pas systématiquement évacuées, même si vous avez fait un massacre monstrueux. Des points qui manquent cruellement aujourd'hui.
Et il y a aussi l'aspect technique. En 2002, le moteur de Hitman 2 assurait, 2 ans plus tard il fait vieux. L'animation des personnages notamment est assez limitée, on le voit en faisant descendre un escalier trop vite ou une échelle à Code 47, aucune animation de transition, on plane sur les marches. Il arrive également que l'on glisse lors des déplacements les plus lents. A côté de Splinter Cell, le titre fait pâle figure d'un point de vue graphique sans dire non plus qu'il soit moche, il fait juste un peu âgé. Que les choses soient claires avant qu'on me reproche des idioties genre "ouais toi on te connait, t'es un hippie aux cheveux longs t'aime pas les chauves qui tuent des gens", je suis bien un fan de Hitman, d'un point de vue purement personnel, je les préfère même à Splinter Cell. Le problème c'est que Contracts manque de souffle. Certes les anciennes qualités sont là, mais IO se repose trop sur ses acquis. La technique est limité, l'IA aurait vraiment mérité d'être remise à jour, on peut regretter la disparition des briefings, le remixage de vieux niveaux et finalement se dire que ce troisième volet fait figure de gros add-on plus que de véritable suite. Hitman Contracts reste un très bon titre, mais peut-être pas aussi bon qu'on l'aurait voulu.
- Graphismes14/20
Le moteur de Hitman 2 (qui profite d'une amélioration lui permettant d'afficher plus de mondes à l'écran) n'a que très peu évolué et commence à afficher son âge. L'animation est limitée, de même que les effets. Ca reste correct mais on attendait mieux.
- Jouabilité15/20
Toutes les bases sont là et on s'y retrouve vite, que ce soit en matière de maniabilité ou de sensations. Seulement on regrette clairement que l'IA n'ait pas été revue à la hausse pour affiner le gameplay et empêcher pour de bon le bourinage massif, ou simplement, pour nous offrir un titre réellement au niveau actuel.
- Durée de vie16/20
Tout dépend de vote façon de jouer. En mode Normal, si vous faites un carnage, vous en avez pour dix heures, en mode Expert et en jouant le jeu de l'infiltration, le double. Sans oublier que le titre offre une grande rejouabilité.
- Bande son17/20
Jesper Kyd est toujours à la baguette des jeux Io Interactive et nous signe aujourd'hui une bande-son qui abandonne les thèmes symphoniques de Hitman 2 et opte pour des morceaux percu/electro toujours aussi grandioses. Les voix VF auraient gagné à être mieux intégrées à la bande-son.
- Scénario15/20
Les choses ne sont franchement pas claires au début, mais l'idée des flashback est bonne (même si on y perd sur un autre plan) et il faut bien dire que l'envie de découvrir qui a truffé le bide de 47 de plombs est forte.
Contracts repose sur les bases de Hitman 2, voilà ce qui lui procure excellentes qualités, à savoir le trip tueur à gage, la très grande liberté d'action et les multiples méthodes d'assassinat de chaque cible etc. Malheureusement, nous étions en droit d'attendre de réelles améliorations de la part de IO, tant au niveau du moteur 3D que (et surtout) de l'IA. A bien y regarder, Contracts fait partie de ces suites qui font trop penser à des extensions. Il reste malgré tout un très bon titre, mais qui sera fortement concurrencé par Dark Project : Deadly Shadows (Thief 3).