Quand on nous annonce l'arrivée d'un titre Rockstar, on peut généralement admirer une forte effervescence poindre à l'horizon. Dévoilé par le biais de vidéos assez éloquentes, Manhunt a su se faire désirer par les amateurs d'ambiances glauques et étranges. La seule question qui restait en suspens, c'était celle du gameplay. Et bien voilà la réponse.
La spécialité de Rockstar, c'est le politiquement incorrect. Entre la série des GTA et State Of Emergency, le studio s'est fait un paquet d'amis dans les rangs de Famille de France. Avec Manhunt, ils passent à la vitesse supérieure, et là on peut en être sûr, c'est véritablement la polémique qu'ils recherchent. C'est carrément un condamné à mort que vous allez incarner. La première chose qu'on voit dans le jeu sera précisément votre mise à mort suivie de... votre réveil. Monsieur Cash commence alors à entendre la voix de Starkweather qui lui offre la liberté au bout de la nuit, pour cela, il lui suffit de devenir sa marionnette. Cash se retrouve alors dans une ville fictive en ruines, parsemée de caméras de surveillance qui ne le lâchent pas d'une semelle. En sa compagnie, des chasseurs qui sont là pour lui trouer la peau. Votre objectif est clair : c'est eux où vous. A partir de maintenant vous oeuvrez pour le bon plaisir de Starkweather qui vient de trouver un nouvel acteur pour ses snuff movies. Oui, c'est bien ça, vous êtes devenu le héros d'un snuff. Pour information, les snuffs movies sont des films (illégaux bien entendu) dans lesquels on peut voir des actes violents réels, du viol au meurtre. Oui, c'est charmant en effet. Et voilà, c'est tout pour le scénario, ceux qui s'attendaient à une intrigue bien tordue peuvent rentrer chez eux car finalement, le scénario est assez maigre. Manhunt est glauque, glauque et particulièrement violent.
Pour faire simple, Manhunt rappelle très fortement Hitman 2. S'il est possible de foncer dans le tas l'arme au poing, mieux vaut éviter si on ne tient pas à se retrouver face à un grand nombre de chasseurs qui vont nous massacrer. Ce sont donc la furtivité et les silent kills qui seront de mise. On le comprend dès les premières minutes de jeu lorsqu'on nous confie un sac plastique et qu'on nous met face à un adversaire (je vous laisse deviner comment un sac plastique peut devenir une arme). Donc si vous connaissez Hitman, vous lui enlevez le côté classe de Code 47, vous ajoutez une bonne dose de "trash" et voilà. On retrouve un gameplay vraiment très similaire mais les ressemblances s'arrêtent là, à tout point de vue, y compris celui de la qualité en termes d'infiltration. Cash peut se plaquer sur un mur, jeter un regard en coin et surtout s'approcher en toute discrétion dans le dos d'un ennemi pour le "terminer", ce qui donne lieu à une séquence vidéo dans l'esprit snuff movie. Pour éliminer sa proie, le joueur doit faire preuve de... disons, style. Lorsque vous êtes suffisamment proches, vous avez 5 secondes pour frapper, si vous attaquer dès la première, votre attaque est faible, si au contraire vous prenez des risques en attendant, vous frapperez de manière beaucoup plus violente, voire bestiale, pour le plus grand bonheur de Starkweather.
Les armes qui sont mises à votre disposition sont variées, on ne va pas se contenter d'un bête sac en plastique. On passe ensuite à l'éclat de verre, la batte de base-ball, la riveteuse, la faux et bien sûr quelques armes à feu telles qu'un canon scié ou un fusil de snipe. On réservera ces dernières à des cas bien précis où la furtivité pourra être mise de côté. Des séances d'action plus nerveuses. Jusque là tout va bien. Mais si on creuse on découvre très vite que si Manhunt s'inspire de Hitman, il est très loin d'en avoir le standing, et pour avoir suivi Code 47 à plusieurs reprises, vous pouvez me croire. Le premier point, c'est que Manhunt se montre vite assez répétitif dans son action. Je me planque, j'attends, j'égorge, c'est une formule qui lasse vite et il faut savoir la rendre un peu moins fastidieuse qu'elle ne l'est ici. Je vais encore vous bassiner avec Hitman, mais entre les objectifs et les conditions de mission de chez Io Interactive et celle de Rockstar, il y a un fossé. Ici, on tue simplement pour avancer et aller récupérer un objet ou débloquer une porte, et toujours de la même manière, sans rien d'autre à faire. Les objectifs deviennent en quelques heures de simples prétextes peu intéressants.
Autre problème, le contrôle du personnage. S'il est possible de courir, il faut savoir que c'est le meilleur moyen de se faire repérer, on optera donc pour la marche pour découvrir avec effroi la lenteur de Cash dont on a le sentiment qu'il est collé au sol ou qu'il pèse une demi-tonne. Mais le principal problème, c'est sans conteste la caméra. Première surprise lorsqu'on prend le jeu en main, le stick droit ne sert pas à déplacer la focale (ce qui est tout de même rudement utile dans un jeu d'infiltration à la troisième personne) mais à passer en vue subjective. Si vous voulez voir ce qu'il y a autour de vous, vous devrez vous dépatouiller avec le stick gauche en faisant tourner doucement le personnage sur lui-même ou vous résigner à passer en vue FPS, regarder et revenir en mode normal pour agir. J'aime autant vous dire que c'est moyennement pratique. Les angles n'étant de plus pas toujours très adéquats, la lisibilité de l'action laisse franchement à désirer en mode normal.
Autre point important dans le genre furtif, la qualité de l'IA. Manhunt est pourvu d'une IA qui m'énerve. Elle m'énerve parce qu'elle est capable du pire comme du meilleur. Les chasseurs peuvent vraiment vous donner l'impression d'être une proie. Ils vous traquent et vous piègent. Lorsqu'ils nous surprennent, ils appellent des renforts en hurlant et votre seule chance est d'échapper à leur vigilance et d'aller vous planquer dans un coin d'ombre, à l'abri de leur regard. Pourtant, l'IA est parfois complètement dans le vent. Il m'est arrivé de passer juste à côté d'un garde alerté sans qu'il me voit ou de voir certains ennemis cesser une poursuite sans raison apparente. Mais d'une manière générale, l'IA joue son rôle cependant.
Depuis son annonce, Manhunt a fait un sacré bruit. Au final, cet univers provoc' mis à part, on se rend compte que Manhunt n'est qu'un jeu d'infiltration inspiré de l'une des références du genre, mais il n'a pas les armes qui lui permettent de rivaliser avec sa concurrence. Du point de vue technique également d'ailleurs. Le level design est assez pauvre ce qui explique en partie l'aspect répétitif du jeu. On pourra lui reconnaître toutefois d'avoir une ambiance graphique bien rendue. Dans le genre glauque c'est vrai qu'on ne fait guère mieux. Dommage que, là encore, un effort de diversité manque à l'appel, les textures sont pauvres peu complexes, les environnements manquant parfois de finesse. Par contre, on peut apprécier le travail effectué sur les personnages. A chaque classe d'ennemis correspond un look bien défini et il est vrai qu'ils ont tous l'air aussi déjanté les uns que les autres. Et enfin, on dira quelques mots de la bande-son qui met l'accent sur des thèmes que John Carpenter n'aurait pas renié. Les dialogues (en VO) et surtout les speechs en cours de jeu, qu'on entendra dans la bouche des chasseurs en pleine ronde, sont de bonne facture eux aussi. Et participent à l'ambiance. Ce sera d'ailleurs mon mot de la fin, "ambiance". De Manhunt, j'attendais un titre à la personnalité forte, glauque, malsaine certes, mais forte et pas gratuite, un truc dans le genre Max Payne. Finalement, outre le fait que son scénario soit épais comme une feuille de papier à cigarette, l'ambiance de Manhunt s'étiole vite. Visuellement, on a de quoi faire, mais il manque une vraie personnalité que ne suffisent pas à créer des scènes de meurtres sanglants. Il manque une âme à ce jeu, et son intérêt en prend un coup.
- Graphismes14/20
Un moteur 3D assez standard qui n'offre rien d'exceptionnel, ni dans un sens, ni dans l'autre. Si le design est bien senti, les textures manquent souvent de finesse et les décors sont un brin anguleux. Les personnages sont en revanches très réussis.
- Jouabilité13/20
Le gameplay de base est éprouvé, on le connaît déjà. Le problème c'est qu'il n'est pas servi par des conditions ou des objectifs qui puissent créer un réel challenge. Mais ce sont surtout les ratés au niveau de la lisibilité de l'action et la maniabilité approximative (bien que le pad Xbox se revèle plus fonctionnel pour les combats) qui mettent un coup.
- Durée de vie15/20
Les scènes qui constituent les niveaux peuvent être assez longues et les erreurs souvent fatales. De plus le gameplay de type infiltration demande un minimum de cogitation et d'observation avant de se lancer.
- Bande son16/20
Si l'ambiance est bien posée, c'est bien dans la bande-son. Le choix de musiques à la John Carpenter n'est pas étranger à cela. Les voix sont elles-aussi bien efficaces.
- Scénario10/20
Manhunt semblait prometteur du point de vue scénaristique, finalement sa trame est simpliste. Si au moins il nous imposait une véritable atmosphère comme peut le faire Max Payne, on serait heureux mais finalement le principe du snuff movie est plus racoleur que profond.
Jeu d'infiltration hyper violent, Manhnunt souffre de sérieuses lacunes pour faire face à son modèle côté gameplay. Placé à côté du bébé de Io Interactive, la différence est flagrante et relègue Manhunt au rang de jeu moyen, à faire faute de mieux. Il reste une ambiance malsaine pas assez mise en valeur par le scénario. Rockstar se serait-il trop concentré sur l'aspect polémique au détriment du reste ? Allez savoir, moi en tout cas, je m'en retourne me promerner avec Code 47.