Ce morceau de tissu écarlate n'appartient pas à n'importe qui. Équipant le valeureux Romain, héros charismatique d'une quête effrénée, il lui confère une attitude et une apparence de bandit. Du moins c'est ce qu'il aime à croire. Ce qui n'est pas l'avis de Q, ancien soldat robotisé d'élite de Clouvis, qui pense pour sa part que ce n'est qu'un subterfuge visant à dissimuler une dentition calamiteuse. Heureusement, Jonesy, fidèle ami de notre Romain mystérieux depuis leur naissance commune, prend le parti de son compère, du haut de son mètre dix. Leur entente cordiale n'est que trop importante au sein de leur mission salvatrice. Cette troupe disparate devra effectivement d'une part éviter de marcher sur Rexus, croisement incertain entre Yoda et Gollum servant à l'occasion de guide spirituel, et d'autre part récupérer le Livre des Règles, artefact magique permettant d'invoquer des cataclysmes furieux, ou de caler une étagère, convoité par Clouvis (le méchant de l'histoire). Vous voilà donc en route pour la demeure du triste sire, sur un chemin parsemé d'embûches, ne vous fiant qu'à votre dextérité et surtout pas à vos compagnons.

Soft de tir à la troisième personne inspiré des ténors du genre, dont l'un des meilleurs représentants est Syphon Filter, Armed and Dangerous vous propose d'écumer de gigantesques environnements, aux commandes fortuites du pillard de service, Romain. Mais bien vite, vous vous apercevrez à votre grande tristesse que le gameplay se révèle maladroit et peu original. Pourquoi ? Me direz-vous. Pour la simple et bonne raison que la diversité ne semble pas avoir été le maître mot de la création de ce titre. Courant comme une âme en peine (très peinée), vous serez obligé de repousser des salves d'ennemis toujours plus imposantes malgré vos mouvements plus que restreints. Clairement, vos capacités athlétiques se limitent au saut, à la course, au pas de côté, et... c'est bien tout ma foi. Cela enterre le dynamisme sous-jacent du jeu sous une répétitivité d'action flagrante. La possibilité de se cacher derrière des éléments du décor, d'effectuer des roulades afin d'éviter les assauts ennemis, ou encore pouvoir tout naïvement se baisser aurait permis de varier un tant soit peu les affrontements, participant par la même à impliquer le joueur dans ses faits et gestes. Mais il n'en est rien. Néanmoins, grâce à l'utilisation du fameux moteur Havoc (utilisé dans Painkiller et Deus Ex : Invisible War notamment), l'intéractivité avec l'environnement demeure poussée, et vous octroie par exemple le pouvoir de faire choir des arbres, de provoquer des éboulements de rochers, voire de propulser violemment des pingouins à des centaines de mètres du sol sans aucun état d'âme. Mais cela ne fait pas oublier la construction même du titre. Le cheminement pourrait se résumer ainsi : Vous pénétrez dans une zone, exterminez la menace grouillante d'opposants tous semblables, posez une bombe ou sauvez des villageois, puis sortez gaiement et parfois en vie. Il arrive toutefois que vous soyez placé aux commandes de tourelles dans le but louable de défendre une cité assiégée pour une très courte période, ce qui n'influe en rien sur la redondance finale.

Bizarrement, ce qui relance faiblement ce microcosme vidéoludique en péril se trouve être l'arsenal conséquent de vos comiques troupiers. Entre les classiques fusils à lunette, mitraillettes et lance roquettes, vous découvrirez de petites perles comme la bombe à gant de boxe, la grenade à trous noirs, ainsi que le lance-requin, qui comme son nom l'indique propulse des squales sur le champ de bataille. Ces derniers, dont seul l'aileron dépasse du sol, s'approchent furtivement de leur proie dans le but avoué de les dévorer. Comble du raffinement, vous aurez le droit d'entendre les légendaires notes basses et sourdes correspondant à l'approche du monstre dans les Dents de la Mer, Lucas Arts oblige. Le tout se manie agréablement bien, et ce qui s'avère surprenant, la précision de visée via la manette Xbox ne souffre d'aucun griefs. De plus, ce qui étonne, mais dans le mauvais sens du terme, reste la capacité d'entrer en contact avec ses collègues. En effet, vous n'êtes pas seul sur le champ de bataille ; Q et Jonesy vous prêtent main-forte, tout du moins essayent, au gré de vos fusillades rageuses. A la manière d'un Conflict Desert Storm, libre à vous de les pousser à défendre une zone ou votre personne, soit à vous rejoindre. C'est vous le chef, non ! Malheureusement, cet ajout piteux ne sert à rien. Aucune stratégie ne peut être mise en place, mis à part celle de la percée suicide au sein d'un camp retranché ennemi. Une tentative sans aucun intérêt, dont on ne comprend pas la présence. Tout comme d'ailleurs l'utilisation du puissant Havoc suscité.

Comment parvenir à une qualité aussi peu représentative de la Xbox lorsque l'on possède les agréments impressionnants d'un moteur graphique aussi aboutit ? Non que les décors soient mal modélisés, ou que les intervenants se trouvent ridiculement relégués à l'état de tas de pixels mouvants, mais il faut avouer que le tout n'est que peu détaillé et expose des textures discutables et souvent lacunaires. De même le syndrome du mur invisible frappe encore, caché derrière sa cape sombre, vous empêchant de pénétrer dans une habitation dont le mur est défoncé, alors que l'on pourrait aisément y faire tenir trois cars de C.R.S et deux paquets de BN. D'autre part, n'espérez pas grimper sur un toit ou passer derrière un élément du décors distants de moins de trois mètres du bord de l'écran, ce serait peine perdue. Mais le plus choquant reste le design qui n'évolue jamais en cours de jeu et ne reflète aucune réelle innovation, surtout dans les couleurs employées. Les véhicules et les armes supportent une certaine âme, mais l'architecture n'est vraiment pas poussée. Néanmoins, toujours présente à l'appel d'une célébrité quelconque, votre équipe fait montre quant à elle d'un effort artistique agréable, misant sur la retranscription physique des caractères de chacun. Cela n'empêche pourtant pas de participer à des "gunfights" jouissifs et à des scènes mémorables consécutives à l'humour imbibant le soft d'un délire rafraîchissant. Développé par le studio Planet Moon, responsable du décapant Giants, il ne pouvait en être autrement. Autant vous prévenir, vous allez être plongé dans une ambiance complètement décalée, où chaque pan du scénario se révèle traité dans un second degré communicatif. Rarement des situations humoristiques n'ont sonné si juste. Certes il est vrai que l'on tombe parfois dans les affres de la farce et de la scatologie, mais cela est noyé par l'ensemble cohérent et délicieusement affilié au "non sense", et à la dérision clinique, loin des turpitudes d'un Super Farm, affligé de boutades bien grasses. Rexus demeure sublime dans son rôle de vieil ermite nauséabond et décérébré, et l'épisode avec ses chiens mémorable. D'autant que le l'ensemble du jeu se trouve baigné de thèmes musicaux un tantinet répétitifs, mais d'une qualité sonore sincèrement intéressante et notable.

Au final, il transparaît donc que l'on pourrait résumer le sentiment procuré par ce titre par un seul mot (roulements de tambours) : "Dommage". C'est effectivement ce que l'on se dit à la suite d'un acte de bravoure, récompensé d'un bug, après une cinématique mise en scène habilement, mais décompressée n'importe comment, ou encore au bout d'une phase de gameplay différente, mais que l'on retrouve à l'identique une demi-heure de jeu plus tard. Ce jeu méritait clairement un meilleur traitement à la vue de ses qualités intrinsèques. Vous en ressortirez sûrement déçu, voire énervé de subir une tenue graphique si faible pour un titre à potentiel. Monsieur Lucas, on ne vous dit pas merci. Un bon jeu, sans plus.